VANF ONLINE – Élections = Démocratie ?

Démocratie = élections. Quoique. Ce n’est pas ce qu’affirme Marcel Prélot, ma référence incontournable lors des années de Droit, et dont je garde toujours «Institutions politiques et droit constitutionnel», des Précis Dalloz, à portée de main.

«Traditionnellement, le mot démocratie désigne le gouvernement auquel le plus grand nombre participe. Il est formé de deux racines grecques : dèmos, peuple et cratos, règne, gouvernement, pouvoir. (…) La démocratie antique, comme la démocratie moderne, s’oppose au pouvoir d’un seul. La démocratie antique, comme la démocratie moderne, reconnaît la liberté de s’exprimer à toutes les opinions. La démocratie antique, comme la démocratie moderne, place les opinions, reconnues libres, sur un plan d’égalité. La démocratie antique, comme la démocratie moderne, remet la décision à la majorité».

À l’aune des principes de liberté, d’égalité et de majorité, y eut-il jamais de réelle démocratie à Madagascar ? Quelles opinions libres et égales avaient accordé une majorité de 99% à Philibert Tsiranana cinq mois avant que le 13 mai 1972 n’emporte son régime moribond ? Quelles opinions libres et égales avaient accordé une majorité de 3.213.146 OUI (sur 3.698.451 inscrits) à Didier Ratsiraka et sa Constitution le 21 décembre 1975, allégeance régulièrement renouvelée d’élections septennales en élections septennales ?

Paradoxalement, les élections de novembre 2001 me semblent les plus représentatives d’opinions libres, égales et concurrentes. Tellement libres, tellement égales, tellement concurrentes, que le pays sombra dans la crise de 2002. Tellement égales que, dix-sept ans après, je ne sais toujours pas qui a vraiment «gagné». Seule certitude : pas de «Premier Tour dia Vita».

La HCC («Haute Cour Constitutionnelle, institution de la RDM» comme ne pensait pas si bien dire une communication à un colloque de juillet 1988) était trop connotée pour être crédible. Et c’est ce péché originel d’une institution de la «République Démocratique» (les guillemets sur République ou sur Démocratique ?) dont allaient hériter, dans l’opinion publique, toutes les compositions ultérieures d’une juridiction qui a besoin d’un rebranding marketing. Le copier-coller d’une CENI, qui est aux élections ce que le prêt-à-porter du PAS (programme d’ajustement structurel) fut à l’économie, n’a rien arrangé avec toutes les améliorations auxquelles on se refuse plutôt que d’aller coûte que coûte, tête baissée dans le mur d’élections bâclées.

Dans l’Antiquité grecque, ils n’avaient pas besoin d’un RGPH de l’ère numérique ni d’un état-civil biométrique. Dans l’Antiquité grecque, ils n’avaient pas besoin d’une liste électorale informatisée qui supprime les doublons et ne ressuscite pas les morts. Dans l’Antiquité grecque, ils n’avaient pas besoin d’une administration électorale qui donne les résultats complets du vote électronique une heure après la fermeture des bureaux de vote.

Les élections seraient la démocratie ? Et elles permettraient à des détenus d’être élus par un électorat sans doute sourd et aveugle mais pas muet quand il s’agit d’exprimer un vote improbable. Et elles assourdiraient le bon sens sous un concert de beuglements pour mieux étouffer le bruit des casseroles que beaucoup traînent. Et elles enverraient à l’Assemblée Nationale une majorité d’élus minoritaires.

Des élections sont la démocratie, dans ces pays qui ont su créer une masse critique d’instruits et qui ont su élever le niveau de vie de leur population pour lui éviter le chantage alimentaire d’une voix contre un kapoaka de riz. À Madagascar, dans les conditions actuelles qui sont encore celles de l’Antiquité, ce n’est certainement pas la démocratie qui perdrait ou gagnerait à la suppression des élections.