Les prisonniers en détention provisoire sont plus nombreux que les détenus condamnés dans les prisons malgaches. Des voix s’élèvent pour dénoncer une situation aux conséquences fâcheuses.
« Ne jamais se faire prendre par la justice car on se retrouvera directement en détention provisoire ». La phrase a été mise en évidence dans un quotidien il y a quelques semaines. Plus qu’un avertissement, il s’agit d’un constat qui décrit la réalité carcérale à Madagascar. Aujourd’hui, les prisons malgaches accueillent plus de prévenus, en détention provisoire, que de condamnés. La célébration de la quatrième Journée africaine de la détention provisoire est une occasion de mettre en lumière la situation de la majorité des détenus malgaches, mais aussi de lancer une alerte aux autorités, qui tardent à trouver une solution à cette injustice.
À Madagascar, le recours à la détention provisoire est parfois injustifié et pratiqué de manière excessive. Vol de poulet ou de téléphone portable, contrefaçon ou falsification de documents officiels, autant de raisons qui peuvent conduire directement en prison dans la Grande île. La situation ne risque pas de changer d’ici peu.
Si on se réfère aux rapports de l’Amnesty international, le nombre de prévenus en détention provisoire est passé de 10 000 en mai 2018 à 14 067 en février 2019. Des chiffres qui devraient encore augmenter d’autant qu’en raison du ralentissement du traitement des dossiers, les détenus s’accumulent. « J’ai vite compris qu’à Madagascar, on pouvait être incarcéré un long moment en détention provisoire, sans qu’il y ait, le plus souvent, aucun élément de preuve véritable, en attente d’un procès qui peut mettre des années à se concrétiser », note Tamara Léger, conseillère du programme Madagascar au sein d’Amnesty International.
Cette situation conduit très rapidement à une surpopulation carcérale et à une détérioration de la condition de vie des détenus. Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre une centaine de prisonniers entassés dans une même salle et qui se retournent tous en même temps quand le maître de cellule tape des mains. Certains même manquent de nourriture et de soins adéquats. « Ici je suis malheureux. J’ai faim, j’ai froid et ça fait longtemps que je n’ai pas vu ma famille », témoigne Andry, un jeune détenu.
Des délais à raccourcir
La Constitution dispose, en ses articles 9 et 13, que la détention préventive ne doit pas être systématique mais devrait être ordonnée de manière exceptionnelle. « Bien que la législation établisse le caractère exceptionnel de la détention préventive, à Madagascar, cela ne se passe pas souvent comme il le faut dans la pratique. Les autorités peuvent emprisonner les gens ou les laisser partir selon leur bon vouloir », affirme une avocate. Par ailleurs, la législation nationale malagasy fixe la durée de la détention préventive à 5 ans et 6 mois pour les personnes majeures, et 33 mois pour les enfants. Un délai qui ne tient pas compte de la déclaration universelle des droits de l’homme, prévoyant que toute personne a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable.
Actuellement, selon Amnesty International, la population carcérale malagasy a atteint son plus haut niveau depuis 10 ans avec 24 928 détenus, soit 3 fois plus que ce que les prisons peuvent contenir. Durant une descente surprise à la prison de Tsiafahy, le Ministre de la justice, Jacques Randrianasolo a également noté le nombre exorbitant de personnes en attente de jugement. « Nombreux sont en attente de jugement. Nous allons aviser les personnes responsables qu’ils se chargent de l’enrôlement des dossiers criminels qui n’ont pas encore été jugés », a-t-il déclaré.
Mais la recrudescence de l’insécurité ne permet pas de réduire le nombre de détenus dans les prisons. Durant sa passation de service, Jacques Randrianasolo a également promis la création de nouveaux établissements pénitentiaires pour permettre aux incarcérés de vivre dans de conditions plus saines. En outre, le Ministère de la justice a adopté de nouvelles politiques, dont la mise en place d’une cellule de veille stratégique ayant pour attribution de veiller à l’accélération des dossiers pénaux.