Attendue depuis 2013, l’élection présidentielle opposant l’ancien président de la République Marc Ravalomanana à l’ancien président de la Transition Andry Rajoelina a eu lieu comme prévu en décembre 2018. Le 19 décembre, les deux hommes se retrouvent au deuxième tour d’un scrutin à tension. L’entente affichée par leurs partisans en début d’année pour contester les lois électorales concoctées par le parti HVM est aux oubliettes.
Des lois électorales à polémique
Après avoir échoué à faire passer un projet de révision de la Constitution en 2017, l’administration Rajaonarimampianina se décide enfin à avancer vers l’échéance présidentielle prévue. Les projets de textes électoraux sont soumis à l’Assemblée nationale pour adoption au cours d’une session extraordinaire en février 2018. Mais les projets de loi font l’objet de vives contestations de la part des députés pro-Rajoelina et pro-Ravalomanana. L’exigence du bulletin n°2, l’interdiction du financement étranger de la campagne électorale, la régulation des temps d’antenne et de parole sur les médias privés, sont, entre autres, les points les plus décriés.
Malgré les contestations, les textes finissent par passer au bout de plusieurs sessions extraordinaires. Aux contestations du contenu s’ajoutent celles liées aux procédures d’adoption. Les députés de l’opposition accusent leurs pairs d’avoir été corrompus. Ils décident de descendre dans la rue pour manifester leur mécontentement et pour poursuivre leurs revendications.
Manifestations « réussies » sur la Place du Treize Mai
Sous prétexte d’effectuer un rapport d’activités législatives auprès de la population, les députés pro-Rajoelina et pro-Ravalomanana appellent à manifester sur la Place du Treize Mai. La première journée de manifestation se solde par un mort et des dizaines de blessés. Les forces de l’ordre finissent par céder du terrain et laisser les manifestants occuper quotidiennement le parvis de l’Hôtel de ville.
La Haute cour constitutionnelle (HCC) déclare certaines dispositions des lois organiques sur les élections non conformes à la Constitution, répondant en partie aux réclamations des députés de l’opposition, mais la décision ne satisfait pas les élus qui poursuivent leurs manifestations. Parallèlement au mouvement de rue, ils engagent une procédure en déchéance du président de la République, la deuxième du mandat de Hery Rajaonarimampianina. La HCC ne décide pas de la destitution du chef de l’État mais, dans un souci d’apaisement, enjoint celui-ci à se séparer de son Premier ministre et à mettre en place un gouvernement d’Union tout en appelant à l’organisation d’une élection présidentielle anticipée.
Naissance d’un gouvernement d’union nationale
Sous la pression de la rue et de la HCC, Hery Rajaonarimampianina accepte la démission de son troisième Premier ministre Olivier Mahafaly, et nomme le 4 juin 2018 un nouveau chef du gouvernement proposé par le mouvement Mapar. Christian Ntsay entre à Mahazoarivo, forme un gouvernement composé de partisans du HVM, du Tim et du Mapar. L’une de ses missions est d’organiser l’élection présidentielle anticipée ainsi que l’a recommandé la HCC.
Avec le départ d’Olivier Mahafaly, les manifestations de rue cessent. Quelques éléments pro-Ravalomanana puis des syndicalistes tentent de poursuivre le mouvement mais sans grand succès. Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana peuvent commencer leurs manifestations de pré-campagne sans plus en être empêchés par les autorités locales.
Démarrage du processus électoral
Un peu plus de trois semaines après sa nomination, le gouvernement Ntsay convoque les électeurs aux urnes. C’est la date du 7 novembre qui est retenue, même si le délai constitutionnel prévoit que la présidentielle se tienne au plus tôt le 25 novembre. L’élection est donc anticipée de quelques jours. Le processus électoral est définitivement lancé.
Les annonces de candidature se multiplient, et sont l’occasion pour les aspirants à la présidentielle de faire un clin d’œil déjà à l’électorat. Le dépôt des dossiers de candidature est officiellement ouvert le 1er août et à sa clôture, la HCC enregistre 46 dossiers. Trente-six d’entre eux passeront le cap de la validation des juges constitutionnels qui arrêtent à 36 le nombre des candidats à la présidentielle.
Parmi les 36 candidats, trois se positionnent tout de suite en favori : le président de la République en exercice, Hery Rajaonarimampianina, et ses deux prédécesseurs, l’ancien président de la Transition, Andry Rajoelina, et l’ancien président de la République Marc Ravalomanana. Un autre ancien chef d’État, l’Amiral Didier Ratsiraka, est également candidat, ainsi que trois anciens Premiers ministres ayant tous collaboré avec le président sortant : Jean Omer Beriziky, Jean Ravelonarivo et Olivier Mahafaly. D’anciens ministres de Rajaonarimampianina sont également dans la course, tels que Joseph Martin Randriamampionona, Paul Rabary ou Roland Ratsiraka.
Candidat à sa propre succession, Hery Rajaonarimampianina démissionne le 7 septembre 2018, soit deux mois avant la date du scrutin, ainsi que le prévoit la Constitution. L’intérim à la tête de l’État est assuré par le président du Sénat, Rivo Rakotovao.
Des campagnes à plusieurs vitesses
Le processus électoral est lancé, mais certains candidats réclament une amélioration des règles du jeu. Regroupés au sein d’un collectif, ils dénoncent, entre autres, une liste électorale imparfaite, gonflées par des doublons ou des noms de personnes déjà décédées, et omettant certains électeurs, ainsi que des velléités de fraudes. L’idée d’un report de l’élection fait son chemin, mais n’aboutira pas. Beaucoup de candidats n’adhèrent pas à la démarche et poursuivent leur campagne électorale.
La campagne électorale montrera une énorme différence de moyens entre les divers candidats. La société civile et une partie de la classe politique dénoncent la débauche de ressources de certains candidats. Les plus nantis déploient hélicoptères et avions privés pour faire des tournées dans tout le pays, distribuent t-shirts et autres gadgets électoraux, et sont accompagnés de nombreux artistes. Les publicités vantant leurs mérites envahissent les médias, aussi bien dans la presse écrite que dans les médias audio-visuels. La plupart des candidats, faute de moyens, se résignent à la discrétion.
Confirmation de la bipolarité de l’échiquier politique
Le caractère bipolaire de l’échiquier politique malgache est confirmé dès le premier tour de la présidentielle. Les anciens présidents Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina se partagent à eux seuls près de 75 % des suffrages exprimés. L’ancien président de la Transition, avec plus de 39 % des voix arrive en tête, suivi de près par son prédécesseur qui obtient 35 % des suffrages. Le président sortant avec à peine plus de 8 % est loin derrière. Les 33 autres candidats se contentent de quelques miettes.
Après une tentative de contestation des résultats du premier tour de la présidentielle, Andry Rajoelina, qui avait espéré remporter le scrutin dès le premier tour, finit par se ranger à l’avis de la cour constitutionnelle. Le deuxième tour de l’élection se tient le 19 décembre 2018 et oppose donc Andry Rajoelina à Marc Ravalomanana. Ce dernier, battu selon les résultats provisoires publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dénonce des fraudes massives et conteste les résultats provisoires.
L’année politique 2019 sera en partie dépendante de ce que la HCC décidera par rapport à l’élection présidentielle de 2018. La proclamation officielle des résultats définitifs du scrutin est attendue au plus tard le 7 janvier 2019.