Le kidnapping est un sujet plus que d’actualité, comme cela a été encore le cas ce samedi avec Malik KARMALY, chef d’entreprise (Groupe HABIBO), du côté de Soavina. Mais les dernières arrestations donnent de l’espoir, et en outre, les autorités veulent afficher leur intention de lutter vraiment contre ce phénomène. Elles sont attendues sur le terrain pour les résultats.
Refonte de la structure d’enquête, moyens matériels pour collecter des informations ou encore nouvelles dispositions au niveau de la justice. Ce sont autant de dispositions prises par les autorités pour faire face au phénomène inquiétant de rapt suivi de demande de rançon. Le conseil des ministres du 5 décembre fait état de la « réorganisation de la Commission mixte d’enquête » dédiée à lutter contre le kidnapping. Il fait état de la nomination d’un magistrat à la tête de la structure, tout comme l’association de la direction générale de l’administration pénitentiaire dans la démarche.
Andrianiaina Rabarisoa, directeur de cabinet de Noro Vololona Harimisa, ministre de la Justice, affirme que le magistrat affecté à ce poste est déjà nommé. « Les cinq gendarmes et autant de policiers qui devraient faire partie de la Cellule mixte d’enquête sont également identifiés », confie-t-il. La refonte de la structure ne s’arrête pas là. L’encadrement juridique de la Cellule mixte d’enquête est à l’étude. Un acte réglementaire devrait être pris incessamment pour permettre à l’entité d’être plus efficace.
Efficacité, c’est l’un des objectifs fixés pour la Cellule mixte d’enquête. Elle sera « opérationnelle 24h/24 », affirme le communiqué du conseil des ministres. Sous l’égide d’un magistrat, coordonnateur, elle aura une compétence nationale, lui permettant de centraliser les informations et renseignements relatifs aux kidnappings. Pour les informations et les renseignements, la Cellule mixte d’enquête disposera de plus de ressources afin d’assurer sa mission. Les autorités sont en train de trouver une solution pour acquérir des « équipements modernes, avec des techniques de pointe », selon une source gouvernementale, afin de mieux collecter des informations nécessaires à la prévention et à la traque des malfaiteurs.
L’Exécutif semble en même temps avoir revu sa position par rapport à la politique pénale relative aux rapts suivis de demande de rançon. « Le Président [ de la République par intérim] Rivo Rakotovao a demandé à ce que les sanctions à l’endroit des délinquants soient exemplaires », rapporte le communiqué du conseil des ministres. Sur le terrain, les forces de l’ordre envoient un signal sur leur implication dans la lutte contre ce fléau. La libération musclée de Mohamed Arman Kamis à Toamasina le 26 novembre, avec l’arrestation du présumé cerveau de l’opération, Manantena Hajanirina Dinà, à Antsirabe en sont l’illustration. Il en est également pour preuve, l’arrestation par la police de trois ravisseurs d’un enfant de cinq ans le 6 décembre.
« Force spéciale »
La mise sur pied des nouveaux dispositifs arrive au moment où les actes d’enlèvement, suivis de demande de rançon foisonnent et se « démocratisent ». Thierry Lauret Rajaona, procureur de la République près du tribunal de première instance de Toamasina, parle même de l’existence d’une « force spéciale kidnapping (FSK) qui se livrent à des opérations de kidnapping dans tout Madagascar». Pire encore, les champs d’actions des ravisseurs ne se limitent plus aux individus issus de la communauté indienne mais touchent toutes les couches sociales, y compris dans les zones rurales. La rançon demandée par ceux qui avaient enlevé un enfant de cinq ans, fils d’un épicier, s’élève à cinq millions d’ariary, avec un premier versement d’un million d’ariary.
Cela fait un moment que les autorités n’ont pas pris autant de mesures pour lutter contre le fléau malgré la promesse de lutte contre le fléau. Pourquoi un tel regain d’intérêts affichés pour faire face à ce phénomène ? Selon une source gouvernementale, « la lutte contre le kidnapping a été élevée au rang de priorité ». La convergence de points de vue des premiers responsables au sein de l’Exécutif sur la question aurait aussi facilité la mise en branle de nouvelles mesures. Les actions gouvernementales semblent plutôt bien perçues. « Les résultats arrivent », se réjouit Jean Michel Frachet, Directeur exécutif du Collectif des Français d’origine indienne de Madagascar (CFOIM). Cette organisation avait déploré « 113 cas de tentatives ou d’actes d’enlèvements recensés depuis 1991 », et de « 91 Français, victimes d’enlèvement en sept ans à Madagascar », derrière cette histoire de « business de l’horreur ».
Maintenant, le plus dur commence pour les autorités, à savoir des solutions efficaces pour juguler les actes d’enlèvement suivis de demande de rançon. La série de mesures prise par les autorités laisse supposer des failles dans la lutte contre les kidnappings menée jusqu’alors. La réorganisation, avec la nomination d’un magistrat à la tête de la Cellule d’enquête, signifie un manque d’efficacité de l’ancienne structure, composée d’éléments de la gendarmerie et de la police. « La nouvelle initiative devrait éviter les doutes réciproques entre les deux corps dans le traitement des dossiers en leur possession », confie une source autorisée. Un constat amer concernant un manque de synergie entre les parties concernées.
Thierry Lauret Rajaona parle « d’interférences » dans la conduite des enquêtes, en rappelant l’histoire du kidnapping de deux enfants dans le Grand Port en 2017. « À l’époque, on nous a coupé l’herbe sous les pieds dans le traitement de l’affaire», déplore le magistrat, qui, cette fois-ci, rapporte la consigne de la ministre de la Justice « qu’il n’y aura plus d’intervention ». L’histoire de Manantena Hajanirina Dinà est justement un exemple d’incompréhension, fondée ou pas, de l’opinion dans le fonctionnement de la justice. Celui-ci avait déjà été placé en détention préventive en Mai 2016 dans une affaire de kidnapping avant de bénéficier d’une liberté provisoire en Décembre de la même année. « Il avait encore proféré des menaces de mort contre le commissaire central de la police et le Commandant de brigade [ à Antsirabe] », rapporte le procureur de la République à Toamasina.
Le Commandant Herilalatiana Randrianarisaona, chef de service de communication et des relations publiques auprès du commandement de la Gendarmerie nationale reconnaît que la lutte contre les kidnappings est un « travail de longue haleine ». Une « lutte contre tout un système », reconnaît une source autorisée. L’un des dangers qui guette la nouvelle organisation est donc de tomber dans le mauvais coté des interventions de type « opération coup de poing », qui s’avère être un feu de paille. Une question pendante à celle-ci est la pérennité de la lutte. Le changement de régime, à l’issue de la présidentielle du 19 décembre, constitue déjà un test de grandeur nature pour la nouvelle Cellule mixte d’enquête dans la mesure où le nouveau Président aura son point de vue sur le traitement du dossier.