J’ai une aversion pour les superlatifs. Mon encre baverait à en faire débauche, appliqués à lustrer un personnage, de cire ou de chair.
Magnus (grand), Major (plus grand), Majuscule (encore plus grand), Maximus (très grand) : auge de superlatifs où les esprits subalternes lapent à pleines gorgées la filandre dont ils tissent servilement la Majesté à un supérieur qui a oublié la fable du Renard et du Corbeau.
Le respect, voire l’admiration, peuvent ne jamais se faire obséquiosité. Ce n’est pas rendre service que d’enfermer son Chef dans l’illusion d’une infaillibilité qui n’est pas de ce monde.
Plus enclin à demeurer un contempteur, je reste dubitatif à regarder faire les laudateurs patentés. Le zèle de la lèche, l’acquiescement compulsif, les superlatifs au garde-à-vous.
Il semble qu’au Canada, quelqu’un ait eu l’idée d’offrir les services d’une société de flatterie : pour 5 dollars, vous pouvez faire téléphoner à la personne de votre choix pour dire qu’elle est extraordinaire, formidable, exceptionnelle, unique, géniale.
Le filtre des secrétaires particulières ou des directeurs de cabinet empêcherait que ces louanges téléphonées parviennent directement aux Ministres, au Premier Ministre, au Président.
Charle-Magne n’aurait jamais été «Grand» sous ma plume. Celui à qui on sert du Méga-ceci, du Méga-cela, ad nauseam, finit irrémédiablement Méga-lo. Et ce ne serait pas rendre service au pays qui a besoin que ses dirigeants gardent la lucidité de leur infinie petitesse face à la grandeur du service.