L’importance démocratique de la Haute Cour de Justice a été immédiatement occultée par la polémique à propos de la robe de ses membres. Personne ne s’est plus soucié que, au même titre que la Haute Cour Constitutionnelle et la Cour Suprême, la HCJ est un Chapitre du Titre sur l’Organisation de l’État dans la Constitution. Et que des magistrats professionnels (le Premier Président de la Cour Suprême, deux Présidents de Chambre de la Cour de Cassation, deux premiers Présidents de la Cour d’Appel) font partie de ses onze membres.
La présence de ces sommités de l’ordre juridictionnel s’accommode mal de la robe d’audience qu’on leur a dessinée. Il est très permis de s’interroger sur le Making of d’un costume que, pour ma part, j’associe à ces trois mots dans le dictionnaire :
– accoutrement : habillement étrange ou grotesque;
– carnaval : mannequin grotesque personnifiant le carnaval dans les mascarades ou personne grotesque ridiculement accoutrée;
– grotesque : ridicule, bizarre, extravagant.
Rouge écarlate pour les juristes, rouge cramoisi pour les médecins, amarante pour les scientifiques, jonquille pour les littéraires, violet pour les théologiens, saumon pour les pharmaciens : en France, dont nous avons hérité nombre de protocoles, «le costume universitaire est défini par la norme administrativement» jusqu’à l’aspect fileté ou effectivement fileté des boutons ou la soie moirée de la ceinture. À Madagascar, le décret 67-469 du 31 octobre 1967 détermine le costume des magistrats et des fonctionnaires de l’ordre judiciaire.
La maison Ponsard & Dumas se revendique «premier fabricant français pour les vêtements de justice et de costume d’audience» : gardienne d’une certaine tradition depuis 1881, elle peut affirmer que «la couleur noire (est) symbole d’égalité et de prestance» et que «la robe de magistrat, symbole du pouvoir délégué, doit être à la fois sobre et élégante».
«Sobre et élégante» : deux mots qui ne s’appliqueraient certainement pas à l’habit de lumière du torero, aux costumes des confréries, à l’uniforme de la Garde suisse du Vatican… ou à la robe des membres de la HCJ qui affiche les quatre couleurs (noir, jaune, rouge, blanc) de la diversité humaine : l’Africain noir, l’Asiatique jaune, le Peau-rouge, l’Européen blanc… C’est peut-être bien dans la publicité United Colors of Benetton, mais beaucoup moins sur un costume d’audience : quand le carnaval entre dans le prétoire, c’est encore la justice qui en sort.