Prêté par le Bayer Leverkusen au Borussia Mönchengladbach, revendiqué par son club titulaire alors que le SC Napoli s’en veut acquéreur : l’histoire personnelle de Kristoph Kramer, titulaire dans le onze allemand champion du monde 2014, est une histoire classique du Mercato.
La ligue des Champions 2019-2020 est arrivée, sonnant la fin provisoire du mercato. Keylor Navas, hier encore trois fois champion d’Europe avec le Real Madrid, a inauguré sa titularisation au Paris Saint-Germain avec une victoire nette et sans bavure contre ses anciens coéquipiers madrilènes avec lesquels il s’entraînait encore quelques jours auparavant : «Quand nous sommes arrivés dans le tunnel, avant d’aller sur le terrain, et voir mes anciens coéquipiers, c’était bizarre», dira-t-il. Ç’aurait été bizarre pour n’importe quel être humain non dénué de sens social, mais Navas était déjà une vile marchandise. Lui-même s’y était résigné : «Il faut changer de mentalité et tous ceux qui sont dans le football savent que ce genre de chose peut arriver».
Aucun footballeur sensé n’aurait échangé sa place au Real de Madrid, le club le plus prestigieux d’Europe, contre un poste au PSG de très récentes ambitions. Sauf que Keylor Navas n’avait pas trop le choix : il avait été supplanté au poste de titulaire par une nouvelle recrue. En acceptant sa «rétrogradation», de Madrid à Paris, Navas récupérait un rang de titulaire, délogeant du même coup le jeune Alphonse Areola obligé à son tour d’accepter un poste de doublure au Real. Areola non plus n’avait pas trop le choix.
Le joueur n’a pas son mot à dire. À peine. Les aristofoots Lionel Messi et Cristiano Ronaldo, deux des meilleurs joueurs de tous les temps, seigneurs incontestés en leur confrérie, auraient pu s’opposer à l’achat d’un joueur dont le salaire aurait été supérieur au leur. Par contre, les prolétaires du métier, interchangeables en interne et exchangeables à chaque mercato, sont déjà heureux de bénéficier d’un temps de jeu qui les expose aux yeux avides des recruteurs-chasseurs d’esclaves.
Car, le joueur de foot est au mercato UEFA ce que le gladiateur était aux arènes de Rome. Une marchandise. Mercato est un mot italien, sans doute le même qu’employaient déjà les vendeurs des «esclavons», slaves de Dalmatie dans les Balkans, qu’achetaient des traiteurs d’Afrique du Nord ou de Byzance (dans l’actuelle Turquie). La traite de ces esclaves slaves s’opérait entre Méditerranée italienne, Mer Noire et embouchure du Don. Dire qu’il y a encore 500 ans, Venise était l’un des marchés aux esclaves les plus florissants d’Europe…
Neymar, le joueur le plus cher à acheter de toute l’histoire récente du football, est aussi celui le plus dur à vendre ou troquer, quitte à le brader. Paris l’avait acheté au prix fort et entendait le revendre avec une juteuse plus-value. Les rodomontades des Neymar père-et-fils n’allaient rien y changer : la traite proprement dite ne concernait que vendeur et acheteur. Pas la marchandise millionnaire.