L’inscription de la Haute Ville sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco doit encore passer par de longues procédures et nécessite la prise de mesures drastiques de conservation.
Un parcours de combattant. La Haute Ville d’Antananarivo a encore du chemin à faire avant de figurer sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Malgré certains aspects qui pourraient conférer au site la valeur universelle exceptionnelle, principal critère d’inscription, de nombreux points constituent des risques pouvant hypothéquer ses chances. François Cristofoli, architecte et urbaniste, expert chargé de coordonner la candidature de la Haute Ville, a évoqué au cours d’une journée de débats organisée à l’Institut français de Madagascar (IFM) le 2 juin aussi bien les potentialités du site, que les menaces qui pèsent sur la candidature.
La dégradation des bâtis est l’un des principaux dangers qui pèse sur la Haute ville. Comme les bâtiments patrimoniaux majeurs et les immeubles à architecture traditionnelle qui s’y trouvent font partie des attributs de la valeur universelle exceptionnelle du site, leur détérioration pourrait lui enlever un critère essentiel à son inscription.
Il faut ajouter à cela le développement des constructions de structures modernes, ainsi que l’implantation d’antennes et d’autres infrastructures au sein de l’espace à inscrire. La création d’un stade de football sur une partie du jardin d’Andohalo, ou encore l’érection d’une statue de la Vierge dans la cour de la Cathédrale non loin de là pourraient ainsi constituer plus des handicaps que des atouts, estime François Cristofoli.
La délivrance des permis de construire sur la Haute Ville a, par ailleurs, déjà été gelée depuis deux ans, ainsi que l’a rappelé Francis Razafiarison, directeur général de la culture auprès du ministère de la Communication et de la culture. Mais le contrôle de la mise en œuvre de cette décision laisse à désirer. « Ce qui sera toujours le cas, tant qu’il existe cette rivalité malsaine entre la Commune urbaine d’Antananarivo et l’État central », s’indigne Nasolo Valiavo Andriamihaja, dit Vanf, membre fondateur de l’association Andohalo.
D’autres dangers physiques guettent la Haute Ville, et nécessitent, selon l’expert mandaté par la Région île de France des mesures destinées à assurer la stabilisation de la colline. Il a, entre autres, évoqué la fragilité du sol, les glissements de terrain, les éboulements et autres écroulements de rocher.
Tourisme culturel
Mais si les glissements de terrain ont été étudiés en vue de trouver des solutions à intégrer dans le plan de gestion, « les écroulements de rochers n’ont pas été pris en compte par les experts en hydrogéologie lors de leurs premières descentes », ajoute François Cristofoli. Une troisième descente devrait ainsi être réalisée pour étudier ce phénomène, en vue de proposer des solutions.
Sur le plan socio-culturel, l’architecte urbaniste italien en charge du dossier soulève également la nécessité de maintenir les pratiques traditionnelles vivantes, ainsi que les rites et les croyances existants sur le site. Il a donné l’exemple de la fabrique traditionnelle de cornets à glace, qui est pourtant menacé par la fragilité économique guettant les artisans. « Cela peut conduire au développement du tourisme culturel sur le site », explique-t-il.
Malgré les menaces et les dangers, François Cristofoli se veut optimiste quant à l’inscription de la Haute Ville. Cette dernière, rappelle-t-il, constitue « un site unique en Afrique subsaharienne », présente « une architecture singulière », est à la fois « un paysage urbain historique » et « et un ensemble urbain cohérent et de grande qualité ». Le site répond par ailleurs à la volonté d’équilibrer la liste du patrimoine mondial, poursuit-il, dans la mesure où l’Afrique subsaharienne compte très peu de sites répertoriés par rapport aux autres régions du monde, notamment l’Europe.
La Haute Ville fait partie des biens soumis par Madagascar à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2016. La procédure nécessitant une durée moyenne de cinq à sept ans, l’inscription devrait encore attendre quelques années, d’autant que le dossier nécessite encore un certain nombre de clarifications, ainsi que l’a souligné François Cristofoli. Le bien à inscrire s’étend sur une superficie de 80 à 90 ha, mais l’impact des actions de conservation porte sur une zone tampon allant jusqu’à 200 à 250 ha.
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