Mieux vaut tard que jamais. La Préfecture d’Antananarivo réagit enfin aux nuisances sonores. Dans de précédentes Chroniques dans L’Express de Madagascar (La civilisation du silence : 01.08.2017 ; Le peuple qui murmure : 01.02.2018 ; C’est tellement vulgaire, le bruit : 23.05.2019), j’associe le bruit au désordre, le vacarme au laisser-aller, le tapage à la barbarie. À une certaine époque, pas si lointaine, on avait un respect instinctif du panneau «Silence : hôpital». Aujourd’hui, il faudrait mesurer les décibels que produisent les mpanera de taxibe à la porte de l’Hôpital militaire de Soavinandriana, la circulation dense devant l’Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona à Anosy, le murmure persistant des marchands de Mahamasina à proximité de l’Hôpital de Befelatanana.
L’Organisation Mondiale de la Santé alerte contre l’exposition à plus de 85 dB pendant huit heures (c’est le bruit moyen de la circulation automobile), ou à plus de 100 dB pendant quinze minutes. ALERTE : on devient sourd à subir le hurlement du vuvuzéla (120 dB au-delà de 9 secondes) dont des sans-gêne font un usage intempestif sur la voie publique depuis la découverte de cette arme d’assourdissement massif lors de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud. En octobre 2018, l’OMS avait prescrit, à l’usage des sociétés policées d’Europe, une exposition moyenne «day, evening, night» de 53 dB et une exposition Lnight de 45 dB au trafic routier automobile.
Contre le bruit, quelle est, chez nous, la base légale de toute action pénale ou administrative ? Ailleurs, dans cette administration française dont notre République malgache a repris moult arrêtés, décrets et lois, le Code de la santé publique et le Code de l’environnement se retrouvent au centre de la lutte contre les nuisances sonores : «bruits susceptibles de porter atteinte à la tranquillité publique et de nuire à la santé de l’homme ou à son environnement», «bruits dits de voisinage qu’ils proviennent du comportement d’une personne ou de l’exercice d’une activité ou qu’ils soient d’origine domestique ou professionnelle», «les bruits provenant d’une activité professionnelle ou d’une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle».
Il s’agit de réglementer aussi largement que les objets bruyants et les dispositifs d’insonorisation ; les établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée ; la procédure d’homologation des silencieux.
Sur les voies publiques ou les voies privées accessibles au public, les lieux publics ou accessibles au public, les parkings automobiles, sont interdits les bruits gênant «par leur intensité, leur durée, leur caractère agressif ou répétitif» : les chants à la Bianca Castafiore, la musique à fond de sono, les voitures aux moteurs trafiqués, les motos et scooters à échappement libre, l’usage intempestif de klaxon, les pétards.
Les propriétaires de bars, karaokés, pianos-bars, restaurants, salles de spectacles, salles polyvalentes, discothèques, cinémas, doivent s’assurer que le bruit ne porte pas atteinte, DE JOUR COMME DE NUIT, à la tranquillité du voisinage. Une étude d’impact sonore doit être menée avant la construction ou l’aménagement de ce type d’établissement que les autorités peuvent contraindre à s’enterrer ou à se bunkeriser.
Même l’utilisation des outils de bricolage (tondeuses à gazon, tronçonneuses, perceuses, raboteuses, scies mécaniques) obéit à des créneaux horaires. Jusqu’aux animaux qui sont tenus de respecter la tranquillité du voisinage : il appartient à ceux qui en ont la garde de les empêcher de faire du bruit «de manière répétée et intempestive», sans porter atteinte à leur santé.
La musique adoucit peut-être les mœurs. Mais, le bruit les barbarise définitivement. Dans une Ville envahie par toutes sortes de nuisances sonores, voire une société gangrénée par des mœurs tapageuses, le retour à la civilisation passe par l’apprentissage du silence.