Rien de ce qui est abstention ne m’est étranger. Je viens de l’abstention.
Pas plus tard que le 3 juillet 2019, dans une Chronique à L’Express de Madagascar («Boycott citoyen»), j’avais envisagé «la situation extrême d’un candidat unique à un scrutin snobé par neuf autres électeurs : taux de participation 10% ; suffrage exprimé 10% des inscrits mais 100% des votants ; et plébiscite 100% par l’addition à elle-même d’une voix unique. Comment décemment accepter que ce candidat unique, doublé d’un électeur solitaire, puisse représenter les neuf autres ?»
Je suis absolument opposé à toute forme de vote obligatoire. Le choix démocratique commence bien avant le bureau de vote. Avoir le choix, c’est déjà décider d’y aller ou refuser de s’y rendre. Les suffrages exprimés devraient englober les suffrages non exprimés, aussi paradoxal que cela puisse paraître.
Pourquoi l’administration fiscale sait envoyer des mails au contribuable alors que l’administration électorale néglige de contacter les citoyens ? Si la participation ne vient pas à elle, c’est à l’administration d’aller à l’abstention. Les nombreuses et successives défaillances dans l’organisation des élections (état-civil, recensement, liste électorale) auraient dû être corrigées depuis au moins quinze ans : un ID d’état-civil unique et définitif associé à chaque Malgache, dès sa naissance et jusqu’à sa mort ; une liste électorale en mise à jour permanente qui radierait automatiquement les ID désactivés ; un vote électronique qui évite la querelle moyenâgeuse des CIN (carte d’identité nationale) plus ou moins authentiques et la pratique préhistorique de l’encre honteuse et indélébile.
Le vote est un droit, il n’est pas obligation. L’obligation, c’est au système et à ses acteurs de retrouver la crédibilité. Une crédibilité suffisante pour «faire bouger les lignes». Une crédibilité qui ne se décrète pas, qui ne se convoque pas, qui ne s’obligatoirise pas. Une crédibilité qui se construit, qui se prouve.