«Mais, il y a donc un match tous les jours» ?» : il y a même plusieurs matches par jour. Le football est une affaire très sérieuse (cf. «Le foot, c’est du sérieux», Antranonkala 113. À titre indicatif, la présente parution est la numéro 122), qui mobilise plus de la moitié du genre humain.
Non seulement, il y des matches tous les jours, mais même un banal tirage au sort devient une cérémonie, avec son rituel, dont les télévisions se disputent les droits de retransmission : dans chaque pays, les chaînes surenchérissent au plus offrant auprès de l’UEFA, la confédération européenne de football, qui est devenue une formidable machine capitalistique. Sur son site, l’UEFA détaille comment fonctionne la machine à sous : «pour chacun des 32 clubs de la phase de groupes de l’UEFA Champions League 2017/18 un paiement fixe minimum garanti de 12,7 millions euros (M€) qui sera abondé de 1,5 M€ par victoire et 500.000 € par match nul en phase de groupes. Les qualifiés en huitièmes verront leur revenu augmenter de 6 M€, les qualifiés des quarts de finale de 6,5 millions € et les demi-finalistes de 7,5 millions € pour chaque club. Le vainqueur de l’UEFA Champions League pourrait toucher en plus 15,5 M€ et le finaliste 11M€. Un club pourrait donc gagner jusqu’à 57,2 M€, sans compter les paiements en fonction du marché télévisuel».
M€ : des chiffres qui parlent et qui en imposent. Un business savamment orchestré par les héritiers de ceux qui ont inventé les banques. Alors, pas sérieux, le football ?
Un mathématicien, Julien Guyon, professeur associé aux universités de Columbia et de New York, a très scientifiquement prouvé, par des calculs fondés sur 100.000 simulations du tirage, comment la «TV Pairings» avait fait augmenter la probabilité que le Real Madrid et le Paris Saint-Germain se retrouvent dans la même poule au premier tour de la Ligue des Champions. L’auteur voulait démontrer comment «des règles qui semblent à première vue anodines et déconnectées des aspects sportifs ont en fait un impact, certes mesuré mais néanmoins non négligeable, sur la compétition et distordent les probabilités et l’équité sportive» (cf. Le Monde 30 août 2019 et le compte Twitter de l’auteur : @julienguyon1977).
Cette règle du «TV Pairings» a été édictée par l’UEFA pour maximiser les audiences télévisuelles. Par exemple, elle garantit que le Real Madrid et Barcelone, deux clubs espagnols qui génèrent un maximum d’audience planétaire, ne jouent pas le même jour. Cette règle reprend le principe de la rotation entre la Coupe du Monde de football et les Jeux Olympiques : la Coupe du Monde avait été créée en 1930, deux ans après le succès des Jeux Olympiques de 1928 à Amsterdam, mais si les deux compétitions reviennent tous les quatre ans, jamais elles ne se concurrencent au calendrier. L’ISL (International Sport and Leisure) fut l’agence la plus influente du marketing sportif des années 1980-1990, détenteurs des droits de retransmissions de la Coupe du Monde de football, des Jeux Olympiques et des Mondiaux d’athlétisme. Elle sera déclarée en faillite le 21 mai 2001, laissant une dette de 300 millions de dollars.
Ce sont là des chiffres très sérieux et qui parlent : même aux profanes, aux indifférents, aux allergiques. Peuples de tous les pays, dont le football est le nouvel opium.