J’ai beaucoup appris la géographie grâce aux compétitions de l’UEFA, la confédération européenne de football. Les clubs s’appelaient Ajax d’Amsterdam, Bayern de Munich, Juventus de Turin, Real Madrid, FC Liverpool, Austria Vienne, Spartak Moscou, Étoile Rouge de Belgrade… De vrais noms de villes portés sur une carte de l’Europe du football dans France-Football.
Si les clubs avaient arboré le nom de leurs sponsors, mes connaissances de la géographie seraient restées nulles : Elgeco ou CNAPS, aujourd’hui ; Fortior ou Corps Enseignant, hier. Ici, c’est nulle part…
C’est un peu mon sentiment à voir cette affiche à l’entrée du tunnel d’Ambohidahy : «Barea vs. Éthiopie». L’Éthiopie, je sais la situer sur une carte du monde, je connais ses merveilles patrimoniales inscrites au patrimoine de l’Humanité, j’ai appris un peu de son histoire ancienne et plus récente. Bref, Éthiopie, c’est un pays. Un pays réel, sur une carte. Mais, «Barea», c’est où ?
Madagascar souffre d’un sérieux déficit de notoriété. Je doute que le reste du monde puisse pointer notre Grande île sur une mappemonde si on l’affuble encore d’un surnom.
La même année 1896, où Madagascar était annexée par la France (6 août), l’Éthiopie ridiculisait l’Italie à la bataille d’Adoua (1er mars). Pourtant, à l’époque de la Conférence de Berlin (15 novembre 1884 – 26 février 1885), l’Éthiopie et Madagascar étaient encore deux pays également indépendants, reconnus par les grandes puissances : pour la petite histoire, le traité germano-malgache du 15 mai 1883 fut signé entre notre Ministre des Affaires étrangères, Ravoninahitriniarivo, et le comte Hatzfeld qui allait devenir le vice-président de la Conférence de Berlin dont l’Acte général ne fait guère allusion à l’île de Madagascar.
En 1896, nos troupes ayant reculé de Majunga à Antananarivo, devant les généraux français Voyron, Metzinger et Duchesne, tandis que les Éthiopiens faisaient prisonniers des généraux italiens, c’est le Négus Ras Tafari Makonnen qui sera couronné empereur Haïlé Selassié, le 2 novembre 1930, en présence de représentants des grandes puissances de l’époque : Grande-Bretagne, France, États-Unis.
Voilà comment d’une affiche footballistique «Madagascar vs. Éthiopie» eût pu ouvrir les portes d’une dissertation historique, sur le mode d’éternels regrets.