Le 10 août 1991, c’était il y a 28 ans, il y a un siècle, il y a une éternité. Un malentendu. Finalement, le seul à avoir été dans son vrai rôle reste Didier Ratsiraka : il dédaignait la chienlit, il refusait de négocier avec la rue, il a défendu l’accès à Iavoloha. Après réflexion, la foule également était dans son vrai rôle : des gens pensaient que c’était pour un garden-party et je les ai vus étendre le tsihy du pique-nique et déballer le casse-croûte. Il ne faut pas oublier que l’autre aile de l’opposition, celle des héritiers de mai 1972, avait dénoncé ce forcing sur Iavoloha et s’en était désolidarisée.
Quand on voit la « fortune » du 13 mai 1972, dans la littérature et dans les mémoires, je commence à comprendre pourquoi les Anciens (je n’avais pas deux ans à l’époque) insistent tellement à différencier 1972 de 1991, 2002 et 2009. Ils se disaient porteurs d’idéaux et de valeurs, et leurs protestations n’étaient ni instrumentalisées ni dirigées contre le Diable au bénéfice d’un Messie, mais dressées contre un système d’humiliations, d’injustices et d’aliénation chez soi, que tout le monde pensait avoir enterré dans l’enthousiasme un peu naïf de 1959-1960.
Le 10 août 2019, l’écrivain Johary Ravaloson (« Amour, Patrie et soupe de crabes », éditions Dodo Vole-Artères) postait ceci : « Place du 13 mai : Je longe la clôture, je cherche les rêves qui animaient cette place. Il ne sera pas dit qu’on s’est laissé faire ». Ceux qui rêvaient étaient sans doute dans leur rôle. Les mêmes rêves qu’en 1789, en France, 1917 en Russie, 1959 à Cuba. Des rêves qui, comme les promesses, n’engagent que ceux qui y croient.