Madagascar compte 15 jours fériés en 2019. Les deux semaines, entre le 27 Mai et le 10 Juin ont été particulières. Les employés ont bénéficié de plusieurs jours chômés et payés à l’occasion de l’Ascension, du lundi de Pentecôte et de l’Eid El Fitr. Si les jours fériés ont été définitivement appréciés par les travailleurs, ils l’ont moins été par les patrons.
Le terme « cauchemar » est soulevé par Tanjona. Chef d’entreprise œuvrant dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, il a été contraint d’indemniser ses employés durant les jours fériés, malgré leur statut particulier. « Comme nos ouvriers sont payés à la tâche, nous n’avons pas connu beaucoup de perte au niveau du paiement des salaires. Par contre, la plupart d’entre eux viennent de loin et nous sommes censés leur payer leurs repas, à raison de 5000 Ariary par personne par jour, même durant les jours fériés. Cela nous a coûté puisqu’ils sont actuellement au nombre de 39 », explique-t-il.
Pour des raisons de productivité ou de respect des délais de livraison, certaines entreprises ont tenté de trouver un aménagement, et ce, malgré la décision gouvernementale. Safidy, gérant d’une société de consulting, évoque l’habitude de ses collaborateurs à travailler même durant les jours chômés. « Il y a toujours une majoration lorsqu’un employé travaille durant un jour off. Et cela nous coûte de l’argent », explique-t-il. Selon le code du travail, en plus de payer les heures supplémentaires, l’employeur doit appliquer une majoration de 50% pour les jours fériés.
Le cas de Safidy n’est pas isolé. Narindra, une responsable au sein d’une unité de production, explique que les jours fériés sont déjà compris dans le plan de travail annuel. « Nous nous organisons pour faire en sorte qu’il y ait toujours des permanences au sein de notre usine. Nous devons respecter les délais de livraison », explique-t-elle.
Madagascar n’est pourtant pas un des plus mauvais élève concernant les jours fériés. L’Argentine en compte 19, l’Inde 18 et le Japon 16. Pour certains pays de l’Union Européenne comme l’Allemagne, les jours fériés varient selon les localités. Cependant, compte tenu de la situation économique fragile du pays, les jours fériés impactent directement la production de richesses à Madagascar. Rakoto David Olivaniaina, professeur en économie, partage son expérience d’ailleurs sur la notion de temps par rapport à la productivité. « Quand j’ai travaillé à l’étranger, on m’a facturé toutes les minutes où je me suis absenté dans le cadre du travail », avance-t-il, avant de préciser qu’à la fin du mois, il ne recevait pas le même salaire que ses collègues le cas échéant. « Comme les Malgaches sont payés par mois, ils ne réalisent souvent pas la valeur d’une minute », déplore-t-il.
Et au-delà des conséquences financières et contractuelles, les jours fériés semblent toucher l’aspect psychologique des travailleurs. « J’ai remarqué une baisse de motivation chez mes employés. Ils sont devenus plus paresseux », rétorque Tanjona. Amiraly Hassim, président du Syndicat des Industries de Madagascar (SIM), met pourtant lui l’humain au centre de sa réflexion. « Le plus important c’est l’être humain. Tant que le droit de ce dernier est respecté, nous ça nous va », affirme-t-il.
Le débat reste donc ouvert sur l’impact de ces 15 jours fériés sur la productivité dans le monde du travail. Et la décision du gouvernement d’inclure l’Eid El Fitr, dans la liste des jours chômés et payés, pourrait également faire des émules sur la possibilité de retoucher à celle-ci, encore une fois.