Exploitée de manière rationnelle, la forêt peut être préservée. Une conférence-débat organisée par le Fonds mondial pour la nature (WWF) le 31 mai dernier, à Analakely , a permis de dégager plusieurs pistes de solutions pour une gestion durable des ressources forestières.
Exploiter la forêt de manière rationnelle pour en percevoir directement des revenus, ou la préserver pour ses valeurs écologiques ? La question continue de se poser à Madagascar après des dizaines et des dizaines d’années de lutte pour la protection des ressources forestières. Car jusqu’à maintenant, les forêts ne sont toujours pas préservées des activités dévastatrices que l’homme exerce sur elles. « Il faut faire un choix : soit faire garder aux forêts leur valeur écologique en les préservant purement et simplement, soit leur accorder une valeur économique palpable et permettre aux communautés de percevoir directement les retombées des activités dépendant des forêts », souligne Fano Andriamahefazafy, chercheur en environnement.
Au ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, c’est la deuxième option qui a été retenue. Il s’agit d’exploiter les ressources de manière durable, permettant aux communautés de générer un revenu, tout en assurant leur préservation. D’autant plus qu’« une forêt en tant que telle a plus de valeur qu’en étant transformée en surface agricole », souligne encore Fano Andriamahefazafy. Njaka Ravelomanantsoa, responsable d’une entreprise productrice d’huile essentielle, rappelle entre autres, le rôle de la forêt dans la production de matières premières dans certaines industries. « C’est dans la nature que les grandes sociétés spécialisées dans la cosmétique, l’agro-alimentaire ou le bien-être se ressourcent et retrouvent les matières premières nécessaires à leurs produits », explique-t-il. À l’entendre, ces produits accessoires donnés par la forêt sont aujourd’hui de plus en plus recherchés, notamment à l’international. « Ce secteur a un grand avenir », poursuit-il.
Mise en œuvre difficile
La mise en œuvre de cette politique d’exploitation durable est pourtant loin d’être facile. Les communautés riveraines des forêts continuent à vouloir tirer directement profit des forêts en abattant et en exploitant les arbres, souvent de manière inconsidérée. « Elles ont besoin de la forêt pour les bois de chauffe et les bois d’œuvre », soulève Avotiana Randrianarisoa, chef du service Environnement auprès du ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche. La protection de la forêt n’étant pas la priorité des communautés riveraines, celle-ci a toujours été abusivement exploitée. Selon le WWF Madagascar, la Grande île a perdu 510.000 ha de forêts en 2017, soit l’équivalent de soixante fois la ville d’Antananarivo. La déforestation a concerné pratiquement la même superficie en 2018.
La conférence qui s’est déroulée le 31 mai a été ainsi l’occasion de proposer les différentes pistes à mettre en œuvre, pour que l’exploitation par les populations locales se fasse dans une logique durable, de manière à ce que la forêt soit en même temps préservée. La première solution évoquée, porte sur l’incitation économique des localités riveraines des forêts sur les valeurs économiques non-palpables des forêts. La responsabilisation des communautés riveraines pour une gestion locale constitue également une alternative. Idem pour la répartition des forêts en différentes zones d’exploitation. Avec une population à grande majorité paysanne, un espace agrobusiness est nécessaire. Mais il doit également y avoir un espace pour la restauration et pour le paysage agroforestier, ainsi qu’un espace de conservation pure.
Le reboisement, évidemment, reste la piste proposée prioritairement par les autorités gouvernementales. L’idée étant de recouvrir une partie du territoire de forêts en replantant jusqu’à 60 millions de pieds d’arbres. Mais « le reboisement ne peut remplacer les forêts naturelles », rappelle Nalimanitra Ravoson, présidente de la plateforme de la société civile Five dans le Menabe. La meilleure solution, comme l’a encore indiqué Jean jacques Jaozandry, directeur du programme de reboisement au sein du ministère de l’Environnement et du Développement Durable, est que « les habitants ne soient pas obligés de défricher la forêt ». Les forêts défrichées, à l’entendre, nécessitent plus de 300 ans pour être restaurées. Ce qui ramène, inévitablement, à la sensibilisation autour de l’exploitation rationnelle de la forêt.