Subir ou réagir. Protéger ou faire valoir ses droits. Dénoncer la violence conjugale est un sujet tabou dans la société malgache. Malgré cela, certaines femmes commencent à oser se plaindre devant les autorités compétentes, du moins dans la capitale, si l’on se fie aux statistiques auprès d’une clinique juridique.
« Depuis la création du cabinet en 2007 le nombre de dossiers reçus ne cesse d’augmenter. Au début, le Centre a reçu près de 600 dossiers dans l’année. En 2018 cela tourne autour de 2000 dossiers dont 1721 rien qu’à Antananarivo », confie Didier Randrianarivo, responsable de la clinique juridique « Trano Aro Zo ».
Dans la société malgache, dénoncer la violence commise par son époux demande de la détermination et de l’engagement, et ce, malgré la loi qui punit toute violence commise à l’égard des femmes. Spécialiste en subconscient, Andry Raharison explique que « c’est la coutume qui régit le foyer malgache, et forge les femmes à être patiente malgré les souffrances ». Mais « plus la violence persiste, plus la femme déteste son conjoint. C’est à ce stade qu’elle arrive à rendre public son problème de couple », décrit-il.
S.*, mariée en 2017, choisit la voie judiciaire face aux sévices imposés son conjoint. « J’ai saisi la justice car, non seulement mon mari me frappe, mais il ne me donne plus de l’argent. Il est actuellement mon pire ennemi », déplore cette jeune femme, très remontée. F.*, mère âgée de 36 ans, explique que « c’est après des longues réflexions » qu’elle a décidé de déposer une plainte auprès des autorités contre le père de ses enfants. Depuis elle considère avoir mis son mariage en danger. Mais « cela pourrait me servir comme protection à l’avenir » poursuit-elle.
Mais Didier Randrianarivo apporte un point de vue complémentaire sur la situation. « Se plaindre ne signifie pas détruire le foyer » obligatoirement, affirme-t-il. « Au contraire, l’autorité intervient pour concilier les couples », poursuit-il. Le cas d’I.*, mère de famille de 36 ans, en constitue une illustration. Après avoir déposé une plainte au niveau de la gendarmerie, elle témoigne que son mari ne la frappe plus depuis 2012.
Malgré le choix de faire valoir leur droit, la tendance reste encore à la pudeur et à la « protection » du foyer, au nom du « tokantrano tsy ahahaka ». La plupart des femmes préfèrent subir les violences dans leurs foyers que de la dénoncer. C.*, mère de famille, avise qu’elle « se sent égoïste si elle se retire » de sa famille, en dépit des souffrances occasionnées par les violences subies.
Jeune femme de 32 ans et mère de quatre enfants, R* fait part de ses difficultés durant ses treize années de mariage. « J’ai vécu dans ma chair la violence physique et morale. Mais il faut que je préserve mon foyer », argumente-t-elle. La mère de famille a du mal à cacher ses souffrances en pleurant en racontant qu’« à chaque fois que mon mari est en état d’ivresse, il me frappe toujours (…) En dépit cela, je suis toujours là » continue-t-elle.
* les noms des personnes ont été changés pour préserver leur anonymat