La visite d’un officiel français au Rova d’Antananarivo est un prétexte à devoir de mémoire.
Et d’abord de précision terminologique. Les Européens avaient pris l’habitude de parler du «Palais de la Reine» en désignant Manjakamiadana. Les Malgaches du XXème siècle, sous l’influence de soixante ans de colonisation, allaient reprendre l’expression à leur compte en disant «Rovan’i Manjakamiadana» ou «Rova Manjakamiadana». Mais, le Rova, c’est tout ce complexe avec les habitations royales, les tombes royales, le temple royal. Le palais de Manjakamiadana, si imposant fût-il et tellement symbolique qu’il soit devenu, n’est jamais qu’un des éléments de cet ensemble politico-religieux.
Ce Rova nous vient du passé et tend vers l’avenir. Les Fitomiandalana, sept-tombes-alignées, en constituent la chaîne la plus vivace si tant est qu’on puisse invoquer la vie s’agissant de tombeaux.
Andrianjaka a conquis la colline d’Analamanga, pour la rebaptiser Antananarivo. Quatre générations plus tard, Andriamasinavalona organisa le noyau de l’Imerina en quatre Toko dont les frontières subsistent dans nos têtes trois siècles plus tard : Vakinisisaony, Avaradrano, Ambodirano, Marovatana. Ces deux rois fondateurs sont enterrés dans les Fitomiandalana.
Le 14 mars 1897, le général Gallieni fit excaver, fouiller et déplacer, les Fitomiandalana. À Ambohimanga, il fit également ouvrir les tombes royales, exhumant principalement les dépouilles d’Andrianampoinimerina et de Ranavalona 1ère pour les ramener à Antananarivo : Ambohimanga, chef-lieu d’Avaradrano, désacralisée ; Antananarivo, la capitale, profanée.
C’est cette mémoire qu’on aurait voulu voir extirpée et annihilée. Le sacrilège de 1897 ne l’aura pas abolie. Soixante ans de colonisation l’auront exacerbée. Les vicissitudes du tiers-monde n’en auront pas davantage raison tant que nous lutterons contre son amnésie.