Du pain et des jeux. Nous sommes prompts à critiquer les gouvernants qui offrent des jeux
à gogo plutôt qu’ils ne multiplient le pain. Mais, nous sommes également les premiers à
nous emballer dans des passions, finalement aussi puériles qu’un bête match de football.
En ces temps de coronavirus, et dans ce contexte de gestes barrières, disputer une
compétition au nom des contrats publicitaires et des droits télévisuels était déjà absurde.
Faire jouer les matchs dans des stades vides devient tout à fait surréaliste. À la télévision,
il est vrai que cela ne change rien, le fond sonore de type PS4 entretenant l’illusion d’un
public qui donne de la voix.
Au nom de cette lucidité blasée, j’aurais donc pu faire l’impasse sur ma compétition
préférée, l’UEFA Champions League, surtout que la traditionnelle formule des matches
aller-retour a été fondamentalement changée en match couperet. Cependant, maintenant
que j’ai réussi à contaminer mon fils avec un virus contracté par le «Foot Made in
Germany» de TransTel Cologne ou un certain RFA-France de Séville 1982, je n’avais pas
le droit de l’abandonner à regarder en solitaire son Barça se faire étriller par mon Bayern.
8-2 : le score est historique. Mais anecdotique. Parce que l’essentiel était ailleurs. Dans
cette transmission filiale dont j’avais déjà hérité à pleurer dans les tribunes de
Mahamasina parce que Saint-Michel se faisait battre par Dynamo de FIMA. J’étais
absurdement inconsolable et les mots de mon père restèrent vains. Une autre fois, mon
chagrin d’enfant sembla incommensurable quand Paolo Rossi avait échappé à Karl-Heinz
Förster : le but de Breitner, qui sauvait l’honneur, n’arrêtant pas non plus mes larmes. Me
voilà encore bêtement affecté, trente-huit ans plus tard. Un jour, toi aussi, mon fils.














