Le coronavirus sans frontières a ravivé les frontières dans le village planétaire. Avec son lot de racisme ordinaire. Déjà, le dimanche 26 janvier 2020, Le Courrier Picard avait osé titrer en Une : «Alerte jaune» (aussitôt suivi d’excuses en ligne dès l’après-midi).
Les éditoriaux sur «Le péril jaune» sont «au frigo», et à l’encre sympathique, dans la tête de ceux qui ont toujours eu peur que l’Asie ne surpasse l’Europe. Avec la Chine devenue «usine du monde» et la Corée du Sud à son tour à la pointe des innovations technologiques, le danger de voir les peuples d’Asie gouverner le monde devient facilement une psychose occidentale. Une vieille peur qui remonte à la douloureuse révélation de la défaite navale russe de 1904 face à la marine japonaise.
Dès cette époque, Austin de Croze se demandait : «Le Japon en Corée ? Et pourquoi non ? N’est-il pas en droit de répondre : Et vous en Tunisie ? Et vous à Madagascar ? Et vous au Tonkin ? Et les Anglais en Égypte, au Transvaal ?» (Péril jaune et Japon, 1904, p.23). «Péril jaune, peur blanche» (Jacques Decornoy, Grasset, 1970) : presque un générique. C’est qu’ils sont capables de tout ces «Jaunes» : Pearl Harbor (1941), Dien Bien Phu (1954)…
La communauté asiatique de France avait réagi en postant le mot-dièse : #JeNeSuisPasUnVirus. Et pour cause ! Le «péril jaune» dépense 1450 euros par personne et par jour hors transport quand il se rend en France. En 2018, 2,2 millions de Chinois s’étaient rendus en France, dépensant 4 milliards euros, soit 7% de la recette touristique. Rien que pour les festivités du Nouvel An chinois (25 janvier au 8 février 2020), les ventes détaxées des touristes chinois devaient représenter 10% du total de leurs dépenses annuelles. Une manne, un péril d’or jaune.