Les évêques et les cardinaux regardent-ils The Young Pope (avec Jude Law alias Pie XIII) et The New Pope (avec John Malkovitch alias Pape Jean-Paul III) ? Oui, s’il faut en croire cette mise au point de l’évêché de Venise : «Il s’agit d’une série fantaisiste et la créativité artistique du réalisateur cherche à provoquer des réactions controversées, parfois irrévérencieuses».
Un Pape, l’anonyme François II, meurt et on se demande s’il a trépassé de cause naturelle : allusion au décès inattendu de Jean-Paul 1er, le dernier Pape italien en date, élu le 26 août 1978 et retrouvé mort le 29 septembre 1978. Deux Papes ensemble sur la même photo, même si l’un, Pie XIII, est dans le coma : clin d’œil à la cohabitation entre François 1er et son prédécesseur Benoît XVI. Dans l’ombre, la toute-puissance cautelese de l’incontournable et inamovible Secrétaire d’État Voeillo.
Toute cette gesticulation feutrée se déroule sur fond d’un érotisme suggéré, comme une alléchante bande-annonce escamotée au montage. Au milieu de cette «horde de mâles», une jolie directrice de la communication : présence féminine au cœur du saint des saints du Vatican, véritablement captieuse mais délicieusement capiteuse. La participation paritaire de la femme sera-t-elle longtemps encore l’activité domestique des (bonnes) sœurs, d’ailleurs ici en grève ? «Que demandent vos sœurs avec tant de conviction», demande le Pape à l’une d’elles ? «Le respect», répondit-elle.
Le Vatican est la seule institution religieuse qui tolère, même en grinçant des dents, que soit diffusée sa caricature sans qu’un ayatollah catholique prononce un fatwa ou que des jihadistes Croisés fassent parler leur kalachnikov. Surtout que le réalisateur italien Paolo Sorrentino avoue n’avoir que les articles de presse comme source de son imagination espiègle, mais admirative, comme fascinée. John Malkovitch alias Jean-Paul III a sorti le mot fondamental : «Mystère». Mais, au singulier ou au pluriel ? Mystère de la foi, mystère du pouvoir, mystère dans le mystère…
Le courroux envers les criminels, comme le réseau pédophile Corpus Christi d’un séminaire de Melbourne ou ce prêtre français tardivement défroqué, Bernard Preynat (ordination en 1971, procès canonique pour exclusion de l’Église seulement en 2018), est à la mesure de cette admiration pour la remarquable complexité de cette belle construction humaine qu’est la machine du Vatican. Le cardinal Barbarin, accusé d’avoir dissimulé les faits pour éviter le scandale, a remis sa démission au Pape. Mais, en dehors d’un tribunal ecclésiastique, un tribunal pénal aurait-il été prêt à condamner à mort tous les pédophiles qui ont traumatisé plusieurs générations de scouts qu’on leur a imprudemment confiés et qui leur ont fait aveuglément confiance ?
La Réforme de Luther et Calvin se refusait à cette mise en scène. Une austérité très contraire à cette «Église-spectacle». Sauf que leur volonté de sobriété est préjudiciable dans un monde d’ultra-communication. Si le Vatican n’existait pas, chaque réalisateur de talent l’aurait inventé.