«En mon nom personnel et au nom des 25 millions de Malagasy, je demande solennellement et officiellement de trouver une solution pour la gestion ou la restitution des îles éparses à Madagascar (…) Pour le peuple malagasy, l’appartenance des îles éparses est une question d’identité nationale». Andry Rajoelina ne pouvait pas ne pas le faire. Son prédécesseur avait donné l’impression de «renoncer». Mais, tout le monde a déjà oublié le petit mot de «co-gestion» glissé presque subrepticement par l’autre ancien président François Hollande.
Ratiociner serait de mauvaise grâce. Il est venu, il l’a vu et il le lui a dit. Comme résumait un ami qui s’est récemment souvenu de ses cours de communication, en la matière : «fais ce que tu as à faire, fais-le bien, et surtout fais-le savoir». Et quelle meilleure tribune urbi et orbi qu’une conférence de presse depuis le palais de l’Élysée.
L’euphorie collective ne doit pas laisser croire que ce sera facile. La co-gestion est un vieux concept avancé par la Commission de l’Océan Indien en 1999, permettant des négociations bilatérales entre la France et l’île Maurice qui ont conclu, le 7 juin 2010, un accord-cadre de «co-gestion économique, scientifique et environnementale» sur Tromelin, sans qu’il soit question d’abandon de souveraineté par la France. Madagascar avait renoncé à Tromelin en faveur de Maurice, dès 1978.
La dispute des Chagos entre Maurice et le Royaume-Uni, compliquée par le bail accordé aux États-unis sur Diego Garcia en novembre 1965, dure depuis cinquante ans. Tout récemment, le 22 mai 2019, 116 pays de l’Assemblée générale des Nations unies ont donné raison à l’île Maurice. L’avis rendu par la Cour internationale de justice, le 25 février 2019, à moins que ce ne soit la diplomatie de Maurice, du groupe africain ou du Mouvement des Non-Alignés, a fait bouger les lignes : ils n’étaient plus que 6 pays à voter contre (Royaume-Uni, États-Unis, Israël, Hongrie, Australie, Maldives), quand on en comptait 15 (dont le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, Israël, et Maldives), le 22 juin 2017. À cette époque, lorsque Maurice avait présenté la résolution pour porter l’affaire de Chagos devant la CIJ, 94 pays avaient appuyé sa démarche.
Dans cet avis, la CIJ conseillait à Londres de «compléter le processus de décolonisation de l’île Maurice». Ce mot de «décolonisation» doit être anachroniquement infamant pour un pays comme la Grande-Bretagne : berceau de la démocratie parlementaire, pays du poète Rudyard Kipling dont on se demande cependant lequel : celui du «fardeau de l’homme blanc» ou du «Tu seras un homme, mon fils»…
Bien entendu, il n’était pas malgache d’infliger à la France le camouflet que Maurice n’a pas eu la mansuétude d’épargner à la Grande-Bretagne, par deux fois devant l’assemblée générale des Nations unies : sans doute, «ce sujet méritait mieux que les recours juridictionnels, les contentieux et les mauvais débats».
Nous pouvons très bien comprendre Emmanuel Macron quand il passe en revue la gamme du consensus : «de manière partenariale, un vrai dialogue et un travail politique pour aboutir à une solution commune (…) un travail conjoint, des perspectives communes de développement (…) un débat constructif qui puisse être positif pour nos deux pays».
C’est ça le «Fihavanana» : une «amitié singulière cimentée par une histoire commune et des liens humains exceptionnels» (Emmanuel Macron), malgré «quelques séquelles de l’histoire» (Andry Rajoelina).