Cent jours sont passés depuis qu’Andry Rajoelina est officiellement revenu au pouvoir. Cent jours qui auront suffi pour comprendre que les choses ne seront pas aussi faciles que prévu.
« Nous avançons très vite », avait déclaré Andry Rajoelina, président de la République, alors qu’il venait de présenter les membres du gouvernement Ntsay. Entre son investiture, le 19 janvier, et la formation de l’équipe gouvernementale, le 24 janvier, il n’y a eu que cinq jours. Une célérité qui tranche avec le délai qu’a mis son prédécesseur pour nommer son premier ministre au lendemain de son investiture. Hery Rajaonarimampianina, ancien chef de l’État, a en effet dû attendre près de trois mois pour avoir son équipe au complet.
Mais la vitesse que le chef de l’État voulait donner à son train de l’émergence s’est heurtée à un certain nombre de difficultés. En témoigne la marche arrière qu’il a dû opérer dans la révision de la Constitution, alors que c’était, avait-il assuré, l’une des étapes, sinon une étape essentielle de la concrétisation de deux de ses principaux « velirano », serments, prononcés durant la campagne électorale : la mise en place d’une décentralisation effective et la suppression du Sénat.
« Hélas, nous sommes aujourd’hui freinés dans notre élan pour la réalisation de la décentralisation effective », devait-il avouer, alors que la HCC venait d’annoncer que la révision de la Constitution devait d’abord passer par l’approbation du Parlement avant d’être soumise à référendum. La suppression du Sénat jugée budgétivore, une autre promesse électorale, doit donc également attendre.
Des « velirano » à concrétiser
Le « vary mora », riz importé vendu à bas prix aux ménages vulnérables, est bien arrivé au pays et a commencé à être vendu auprès des fokontany, mais ni l’électricité, ni les carburants n’ont pour l’instant connu une baisse des prix comme cela a été promis. Des mesures ont été annoncées, telles que la révision des contrats avec les fournisseurs, ou encore l’élaboration d’une nouvelle structure des prix des carburants, mais aucune des négociations n’a encore abouti au bout de cent jours. Pire, les coupures d’eau et d’électricité constituent encore le lot quotidien de nombreux foyers.
Quelques promesses électorales en matière de lutte contre l’insécurité, telles que le renforcement des équipements des gendarmes ou l’implantation de puces électroniques sur les zébus, ont commencé à se réaliser mais prennent du temps à se mettre définitivement en place. Ainsi, les drones ou encore les véhicules 4×4 « capables de rouler dans l’eau et de franchir des montagnes » ont été présentés au public en marge du défilé ayant suivi la première revue militaire du nouveau président de la République, mais les hélicoptères annoncées n’ont toujours pas atterri au pays. Des échantillons de puces électroniques pour les zébus ont été présentés au grand public en mars par le Directeur général des projets présidentiels, mais le programme en est encore à ce stade des échantillons et n’ont pas encore atteint les éleveurs.
Pour le salaire minimum annoncé à 200 000 ariary dès l’accession au pouvoir du nouveau chef de l’État, les discussions entre le syndicat et le patronat sont encore actuellement en cours. La ministre en charge du Travail, Gisèle Ranampy a juste précisé que dès que ces deux parties tombent d’accord, l’État engagera les démarches administratives pour que le salaire minimum promis par le président de la République devienne une réalité.
En matière d’infrastructure, l’administration Rajoelina se contente pour l’heure de repasser derrière les travaux déjà lancés par le précédent gouvernement. Pour ne citer que l’exemple des travaux de réhabilitation de la route Ambilobe-Vohémar ont été inaugurés une deuxième fois en avril, alors qu’en août 2018, l’ancien président Hery Rajaonarimampianina les avait déjà officiellement lancés.
Pleins pouvoirs
Pour les « buildings », les « trano mora » ou habitation à coût modéré, et les nouvelles villes, une annonce d’expropriation a été faite en février pour y établir les premiers immeubles. Mais le projet ne s’est pas encore concrétisé pour l’instant. Le ministère en charge de l’Aménagement du territoire, de l’habitat et des travaux publics vient néanmoins de réunir l’ordre des architectes, ce quelques jours avant le bilan du 100ème jour de mandat, afin de discuter des éventuelles implications des professionnels dans la réalisation des projets et promesses présidentielles.
La lutte contre la corruption ou le trafic des ressources naturelles a connu quelques avancées avec quelques arrestations de « gros bonnets », mais les diverses actions menées en ce sens semblent davantage s’apparenter à de la chasse aux sorcières visant des adversaires politiques qu’un véritable engagement contre l’impunité. En matière de gouvernance, par ailleurs, les vindictes populaires et les émeutes n’ont pas cessé, sans que les nouveaux dirigeants trouvent des solutions pérennes à leurs causes.
Andry Rajoelina a bien demandé au Parlement de lui accorder son pouvoir législatif, mais malgré une loi d’habilitation qui l’autorise à légiférer par voie d’ordonnance pour la mise en œuvre de son programme, aucun texte d’envergure n’a encore été adopté et les « pleins pouvoirs » ne sont pas encore utilisés. Seule une ordonnance relative au patrimoine routier et une autre portant modification de certaines dispositions de la loi organique relative au régime général des élections et des référendums sont en cours de contrôle de constitutionnalité auprès de la HCC.
Sur le plan financier néanmoins, l’administration Rajoelina a réussi à négocier le décaissement de la quatrième tranche de la Facilité élargie de crédit (FEC). Les performances examinées par le Fonds monétaire international (FMI) sont celles du dernier trimestre 2018, mais les prévisions annoncées avec l’Initiative pour l’émergence de Madagascar (IEM) semblent également avoir convaincu les missionnaires du Fonds quant à la volonté de l’équipe de Rajoelina à engager des réformes.