Un décret publié le 3 décembre autorise un deuxième opérateur à construire des liaisons nationales en fibre optique. Annoncé depuis mi-2019, celui-ci brise une situation monopolistique établie par le texte initial pendant plusieurs années.
Un pas de franchi. Le marché de la fibre optique est sur le point de s’ouvrir à un autre opérateur. La libéralisation de cette technologie commence à se matérialiser avec la publication du décret qui met fin à une situation monopolistique de Telma SA.
Le décret, modifiant et complétant certaines dispositions portant cadrage de la mutualisation dans le secteur des télécommunications, a été signé par le Secrétaire Général du Gouvernement, Razanadrainiarison Rondro Lucette, le 3 Décembre. « Le texte n’est pas encore publié dans le journal officiel. Une fois cette étape réalisée, tout le monde aura connaissance du décret », assure Ranesa Firiana Rakotonjanahary, Secrétaire Général du ministère des Postes, des télécommunications et du développement numérique, répondant ainsi à tout soupçon de discrétion autour du décret.
Ce texte modifié et complété dispose que, « deux opérateurs backbone peuvent être autorisés à construire des liaisons nationales pour le seuil de 25 millions d’habitants ». Or, selon les données du dernier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH), la population de la Grande île a dépassé le seuil de 25 millions d’habitants en 2018.
Jusqu’ici, seul un opérateur, en l’occurrence Telma SA, était autorisé à revendre la capacité nationale de transmission de fibre optique. Si le déploiement des infrastructures n’était pas interdit aux autres opérateurs, ces derniers n’avaient « pas le droit de construire, d’installer ou de déployer de nouvelles capacités de transmission en fibre optique dupliquant les liaisons nationales existantes », selon le décret initial, pris en 2014.
En vertu du principe « du partage des infrastructures actives et passives de télécommunication et de la mutualisation des ressources entre les opérateurs », ils devaient plutôt louer les services du seul opérateur backbone autorisé qu’est Telma SA. Déployée sur les axes les plus rentables, dont celui d’Antananarivo-Toamasina, la capacité nationale est, par exemple, revendue aux autres opérateurs à un prix dont le plafond est fixé par l’État.
Au mois de Mai, Christian Ramarolahy, ministre des Postes, des télécommunications et du développement numérique, avait indiqué que la situation monopolistique n’était plus acceptable. Il avait soutenu que « l’ouverture du marché pour le développement des infrastructures est aujourd’hui une priorité pour le ministère ».
Rentabilité
Avec le décret, modifié et complété, de ce mois de Décembre 2019, le monopole de Telma deviendra plus tard un duopole. En ouvrant à un deuxième opérateur le marché de la revente de la capacité nationale, le gouvernement effectue un premier pas vers la libéralisation du marché de la fibre optique.
L’objectif du ministère des Postes, des télécommunications et du développement numérique, ainsi que l’indique le récent décret, est de « garantir une meilleure qualité de service et de permettre la mise en place d’une saine concurrence ». Une « saine concurrence » souhaitée pour aboutir, entre autres, à la baisse du tarif d’accès. Entre-temps, le gouvernement n’en encourage pas moins la mutualisation sur le backbone, et les autres opérateurs titulaires de licence doivent louer les services de l’un ou de l’autre opérateur backbone autorisé.
Pour l’instant, l’on ignore qui sera le deuxième opérateur backbone. Mais Orange et Airtel ont déjà publiquement fait part de leur volonté d’investir dans la construction d’infrastructures dès que le gouvernement aura cassé la situation monopolistique de Telma SA. Selon Firiana Ranesa Rakotonjanahary, les critères auxquels les opérateurs backbone devraient obéir devraient faire l’objet d’un prochain texte d’application.
L’annonce de Christian Ramarolahy sur la nécessité de briser tout monopole, et ainsi l’ouverture de la construction des liaisons nationales en fibre optique à d’autres opérateurs au mois de Mai avait provoqué une guerre de communication entre les opérateurs. Les sociétés Orange et Airtel sont montées rapidement au créneau pour accueillir favorablement ladite annonce. Elles avaient évoqué l’idée selon laquelle l’ouverture à la concurrence dans le secteur devrait permettre de faire baisser les prix et ainsi d’améliorer les zones de couverture sur la Grande île.
En revanche, pour Telma SA, il s’agissait, à l’époque, plutôt « d’une fausse bonne idée », selon Patrick Pisal Hamida, son administrateur directeur général. Ce dernier avait soulevé que tout nouvel opérateur backbone chercherait d’abord à rentabiliser ses investissements et ne pourrait pas, de ce fait, réduire les coûts de la transmission. Il avait laissé entendre la possibilité de revoir à la hausse le tarif de Telma dans les zones non-dupliquées pour amortir ses investissements. Puis il avait suggéré la diminution du taux des droits d’accises sur la télécommunication comme solution pour aboutir à cette baisse du tarif de la fibre optique, en vain.
En tout cas, avec ce décret signé, le gouvernement avance dans la réalisation de sa politique. Mais il reste encore des chantiers ouverts avant d’atteindre les objectifs fixés. Il s’agit, entre autres, de la publication du texte d’application dudit décret et le choix du deuxième opérateur. Tout cela, sans perdre de vue, la nécessité du développement de la formation dans le secteur des nouvelles technologies afin d’accroître encore plus la valeur ajoutée réalisable.