Ce coronavirus qui ignore les frontières administratives, raciales et religieuses, nous rappelle paradoxalement la permanence des frontières de nos différences dans les mentalités.
Dès que les mesures de confinement avaient été prises par les autorités chinoises de Wuhan, chacun s’est souvenu qu’il était d’abord Américain, Français, Allemand, Canadien, Australien, Indien, Mauricien, Malgache… Comme si coronavirus pouvait contaminer ou épargner au faciès. On peut se proclamer «citoyen du monde», mais vouloir à tous prix rentrer chez soi à la moindre alerte : braver les interdictions de circulation, se faire exfiltrer d’un paquebot en quarantaine. Ces gens qui, pour certains, avaient revendiqué une parfaite adaptation et une intégration réussie, oseraient-ils revenir en Chine, auprès des voisins autochtones qu’ils ont lâchement abandonnés, une fois passée cette crise du coronavirus ?
Ces «étrangers», parce que donc ils étaient étrangers parmi les Chinois, ont-ils ramené un peu du coronavirus dans les charters qui les ont rapatriés ? En serait-on à cette contamination de plus de cinquante pays si ces «étrangers» avaient été confinés, surveillés et éventuellement soignés sur place, au même titre que les millions de Chinois placés en quarantaine ?
Si COVID-19, lui, voyage sans passeport ni visa, maintenant que chaque humain s’est souvenu de l’existence des frontières, en deçà «à domicile» au-delà «à l’extérieur», on peut envisager sans scandaliser grand-monde le rétablissement du monde, finalement à dimension humaine, qu’on avait tous connu avant que le mot «sans frontières» ne fasse florès : c’était il y a vingt ans, 1999, Médecins sans frontières recevait le Prix Nobel de la Paix.