Donald Trump voulait acheter le Groenland, avec ses 56.000 habitants. «Heureusement, le temps où vous pouviez acheter et vendre d’autres pays et populations est révolu», lui a répondu Mette Frederiksen, Première Ministre du Danemark dont le Groenland est un territoire d’outre-mer, dirigé par un Haut-Commissaire.
Derrière la brusquerie désormais légendaire du personnage, la récente manifestation d’intérêt de Donald Trump pour le Groenland n’est pas totalement fantasque. En 1867, année de l’acquisition de l’Alaska pour le contrôle du détroit de Bering, les États-Unis avaient déjà formulé semblable intention ; de même qu’en 1946, en prévision de la «Guerre froide» ; depuis 1941, à 1500 kilomètres du Pôle Nord, Thulé est la base aérienne la plus septentrionale de l’US Air Force, sur la côte Nord-Ouest du Groenland ; enfin, sur la côte Sud-Ouest du Groenland, cette fois, existe également la base navale de Gronnedal (Kangilinnguit), construite par l’US Army en 1942.
En décembre 2016, la Chine aurait voulu prendre pied au Groenland en rachetant cette ancienne base navale américaine, mais le Premier Ministre danois de l’époque, Lars Lokke Rasmussen, avait bloqué la transaction. Un «Livre Blanc», publié en 2018, résume les projets que nourrissent les Chinois pour le Groenland dont la ville de Shanghai, à des milliers de kilomètres de la région du «Soleil de minuit», avait accueilli, le 10 mai 2019, le Forum du Cercle Arctique.
Quant à la Russie, dont l’Oural transite vers le Cercle polaire Arctique, elle assurera en 2021 la présidence tournante du Conseil de l’Arctique, instance créée en 1996 et qui regroupe huit États riverains des régions circumpolaires (Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Suède, Russie). Preuve de l’intérêt géopolitique que représente cette partie du monde, la Chine, mais aussi l’Inde, la Corée du Sud et la Pologne, sont membres observateurs du Conseil de l’Arctique depuis 2013. Si Madagascar avait eu des ambitions de «gendarme du monde», nous aurions organisé un Forum de l’Arctique sur la ligne du Tropique du Capricorne, avant d’envoyer des pirogues à balancier laboratoires revendiquer nos droits à la recherche scientifique en Antarctique, en vertu du traité du 1er décembre 1959, quarante-huit jours après la proclamation de la République malgache…
Aux côtés des États riverains, huit associations de peuples autochtones sont également membres du Conseil de l’Arctique : leur présence n’a rien d’anecdotique quand on sait que la construction de la base américaine de Thulé avait nécessité la déportation de la population Inuit locale, dont des membres furent encore réquisitionnés pour participer à la décontamination radioactive consécutive au crash, le 21 janvier 1968, d’un bombardier B-52 américain transportant quatre bombes à hydrogène.
Sans même encore évoquer les nouvelles routes maritimes entre l’Occident et l’Extrême-Orient que le réchauffement climatique ouvrirait au Nord du Canada et de la Russie, le Groenland, et ses deux millions de kilomètres carrés, est un territoire pivot qui permet de contrôler les mers entre Islande, Groenland et Norvège.
On attribue au Viking Erik le Rouge la «découverte» du Groenland en 982. Indifférents à cette date arbitraire, des générations d’Inuits n’ont rien su de la «découverte» d’une terre qu’ils habitaient déjà, sans d’ailleurs rien soupçonner des ses potentiels d’émirat du Nord : allusion aux ressources en pétrole, or, gaz, diamant, uranium, zinc et plomb, qu’on prête au Groenland.