Anosipatrana, ou Anosi-ampatrana, l’île d’une certaine altitude et sans forêt, serait une des plus anciennes cités aux alentours de l’Antananarivo collinaire. Sa fondation remonterait au temps du Roi Andriamasinavalona, à la fin du 17ème siècle.
Anosipatrana, c’est, plus prosaïquement, la déviation qui contourne le rond-point fatal d’Anosizato si on doit rejoindre Andohatapenaka. À quel point, la vision automobile a réduit à leur juste fonctionnalité «de passage» des sites autrefois oubliés dans leur solitude altière. Pour le titulaire basique du Permis B, cette éventuelle page d’histoire relèverait de la science-fiction alors qu’elle pourrait tellement instruire l’automobiliste condamné à rouler au pas dans les embouteillages.
Anosipatrana ? Deux des rois fondateurs de l’Imerina, Andriamasinavalona et son arrière-arrière-petit-fils Andrianampoinimerina, avaient choisi Anosipatrana comme résidence d’une épouse royale : respectivement Renikotofananina et Rasendrasoa. Leur généalogie respective (et celle des familles d’Ilanivato) dépasse le cadre de cette Chronique.
Mais, Anosipatrana, ce sont également trois ou quatre (voire ?) maisons qui se dédient à la perpétuation de la passion du «lambalandy», le lamba de soie. Malheureusement, bien trop souvent, les visiteurs ne s’y rendent que pour acquérir le nombre réglementaire de linceuls dont on enveloppe le défunt qui n’a pas encore choisi de se faire incinérer.
Anosipatrana, île d’autrefois rattrapée par les tentacules de la voirie automobile. Encombrée en permanence par des étrangers en transit, entre Antaninarenina ou Anosy-Ampefiloha et Faliarivo ou Fenoarivo, qui ne font que passer. L’enfer intermédiaire entre la ville-dortoir et la ville-bureau : la ville-correspondance.
Anosipatrana ? Aucun de ceux en correspondance n’aura sans doute remarqué deux repères qui me réconcilient toujours avec une certaine idée de la civilisation. Juste en face du temple protestant à la magnifique pente de toiture, inauguré le 2 mars 1894 en présence de la Reine Ranavalona III et du Premier Ministre Rainilaiarivony, existe, même modestement, une École primaire publique. Quelques mètres plus loin, sur la même rue, qui avait dû être le boulevard principal dans une autre vie pas encore automobile, se tient fièrement, une église catholique érigée à la fin des années 1930. À un coude derrière, tout un complexe scolaire, qui illustre ce qui ne me fait pas encore désespérer : une pastorale sans instruction (publique) ni éducation (nationale) n’a aucune légitimité.