En cette période de session parlementaire extraordinaire, et parce que la plupart des élus, comme on a pu le constater dans leurs discours démagogiques de propagande, n’ont qu’une idée vague de la fonction parlementaire, c’est faire œuvre démocratique utile que de leur partager certains fondamentaux. Si nul n’est censé ignorer la loi, aucun député ni sénateur ne devrait ignorer l’histoire de leur institution et les développements constitutionnels qui suivirent.
«La fonction première des assemblées parlementaires est de contrôler l’action gouvernementale. Historiquement, c’est pour cela qu’elles ont d’abord été créées. Quand, lors de leur révolte contre Jean Sans Terre qui devait aboutir à l’acceptation par celui-ci de la Grande Charte de 1215, les Anglais ont exigé qu’aucun impôt nouveau ne soit levé sans le consentement du Magnum concilium, lointaine ébauche de ce qui deviendra le Parlement d’Angleterre» (Bernard Chantebout, Documents d’‘études, n°1.14).
À Madagascar, cette fonction de contrôle est énoncée par l’article 102 de la Constitution de 2010 : «Les moyens d’information du Parlement à l’égard de l’action gouvernementale sont la question orale, la question écrite, l’interpellation, et la commission d’enquête».
Select committees en Grande-Bretagne, Investigating Committees du Congrès américain, Untersuchungsausschüsse en Allemagne, une commission d’enquête aura la crédibilité de son rapport final qui devrait être publié, aussi bien pour la prise à témoin de l’opinion publique que pour juger du sérieux des parlementaires.
Plutôt que de chercher à accaparer l’attention de leurs lointains électeurs par un coup d’éclat à la télévision nationale, les députés (et les sénateurs) seraient avisés de diligenter de multiples enquêtes : sur les entrées massives à nos frontières et le séjour indéfini des étrangers à Madagascar, sur les importations sauvages qui tuent dans l’œuf l’industrie locale, sur les «écolages» à l’entrée des écoles nationales (administration, magistrature, armée, gendarmerie, police), etc.
Il y a tant de sujets qui devraient pouvoir occuper un mandat législatif autrement qu’en alimentant en scandales la rubrique des faits divers. Ce vrai travail de contrôle réhabiliterait une Assemblée nationale surtout connue pour offrir le refuge de son immunité parlementaire ou le feuilleton des 4×4 aux frais du contribuable.
La fonction de voter les lois n’est qu’une fonction dérivée de celle de contrôle. La Constitution française de 1958, dont toutes les constitutions malgaches depuis soixante ans allaient s’inspirer, énumère limitativement les matières du domaine de la loi (article 34) tandis qu’elle ouvre largement le champ des actes du Gouvernement : «Les matières autres que celles du domaine de la loi ont un caractère réglementaire» (article 37).
L’épaisseur d’un projet de loi des finances est une arme de dissuasion suffisante qui décourage toute velléité de l’étudier sérieusement. Le Parlement n’exerce qu’une fiction législative en sa deuxième session ordinaire consacrée à cette loi du «consentement à l’impôt» : «La complexité de la législation qui résulte de l’intervention croissante de l’administration dans la vie des États modernes (a) progressivement transformé le rôle législatif du Parlement en celui d’une chambre d’enregistrement. L’essentiel de la législation est d’origine gouvernementale» (Documents d’études, n°1.14, La Documentation française).
Faire œuvre parlementaire utile, à moins de porter une proposition de loi forte (restauration de la peine de mort, légalisation de l’avortement, libéralisation de la loi sur le mariage en instituant le divorce amiable par consentement mutuel), c’est moins s’illusionner sur des amendements que de contrôler et d’enquêter.