La «génération sacrifiée» serait celle de la malgachisation. Le «Ny Fanagasiana» de E.D. Andriamalala, le livre totem de la malgachisation que tout le monde croit avoir lu après avoir vu le titre faussement explicite, est paru en 1974. Mais, le programme était consubstantiel de la révolte de 1972 contre le néocolonialisme dans l’enseignement.
Le SNHFAP (service national hors forces armées), défini dès 1971, réorganisé en 1973, fixé en 1976, n’a donc pas seulement commencé avec le port de l’uniforme caractéristique (à partir de 1979 ?) dont ceux qui l’ont vécu ont maintenant une vague nostalgie (sur le mode «que sommes-nous devenus», ceux de 1987, formés au RTS, au CAPSAT, au R3A ?). Abandonné en 1990, le SNHFAP n’a jamais fait l’objet d’un bilan-évaluation dans son rôle «éducatif» auprès des lointaines écoles rurales de l’Éducation de base (voire de l’Enseignement secondaire) alors que les milliers de «SN» (ils étaient 4.379 en 1977) étaient au cœur du système malgachisation-démocratisation.
Les enfants de ceux qui ont fait le «SN», s’ils n’ont pas été tôt inscrits en «école d’expression française», ont renoué avec un bilinguisme plutôt francophone, le français demeurant la langue d’enseignement à l’Université publique et dans les écoles privées supérieures.
D’expression française en AEFE jusqu’au bac français, le dernier tiers des Millennials (nés entre 1993 et 1999) et la génération Z («zanaky ny taona roa arivo», enfants de l’an 2000, comme aurait dit une certaine phraséologie révolutionnaire) parlent mal le malgache qui fut le nôtre, dont on retrouve la double familiarité phonétique et orthographique dès l’époque de nos arrière-grands-parents. C’est-à-dire tout de même le dernier quintième du XIXème siècle.
Que les monuments littéraires et musicaux de ce siècle (1885 : année du traité franco-malgache du 17 décembre – 1995 : année de l’incendie du Rova, 6 novembre) vont devenir, confiés à cette postérité qui en a perdu le son, malgache parlé et malgache chanté ?