Un hôpital porte son nom. Plus personne ne sait que celui d’Ingahindriana Joseph Ravoahangy-Andrianavalona (28 octobre 1893 – 21 août 1970) est indissociable du nationalisme malgache incarné dans les deux mouvements V.V.S. (Vy Vato Sakelika) et M.D.R.M. (Mouvement démocratique de la rénovation malgache). Le 21 mars 1946, Joseph Ravoahangy-Andrianavalona soumettait à l’Assemblée Nationale Française l’abrogation immédiate de la loi d’annexion de 1896. L’homme politique le plus populaire à la tête du parti le plus populaire (MDRM), aurait pu rêver d’un destin présidentiel si le MDRM n’avait pas été décapité après le 29 mars 1947 et lui-même condamné à mort avant d’être exilé jusqu’à son retour tardif en juillet 1960.
À l’Hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona, comme dans tout hôpital, les Urgences sont toujours synonymes d’une catastrophe. D’ailleurs, à HJRA, les Urgences jouxtent la Morgue. Une antichambre en quelque sorte.
L’autre punition d’avoir à se retrouver là est l’absence totale d’intimité. Double peine. Malgré l’écriteau, «Mpanaraka iray ihany», les plus pauvres débarquent toujours très nombreux et on ne se bouscule pas pour les accueillir. La mère ignore le poids de son enfant : à quand remonte la dernière pesée, insiste l’interne. Il devrait y avoir un pèse-personne dans la salle. Les plus nantis arrivent à deux ou trois mais on s’empresse autour d’eux. Désagréable sensation d’avoir affaire à des «mpanera» sans qu’aucun document n’ait été établi. Heureusement, cette nuit-là, aucune «commission» n’a été discrètement demandée. Un autre écriteau, tout aussi discret que le premier, prévient d’ailleurs solennellement que «Nous luttons tous contre la corruption. Les paiements se font uniquement à la caisse. Exigez votre reçu». Ça rentre doucement dans les mœurs. Trois décennies d’atavisme «mametraha kely» ne s’effacent pas par miracle.
Des internes officient. Huit ans d’études universitaires et se retrouver à devoir examiner des gens dont la dernière douche remonte à l’année dernière. Le serment d’Hippocrate les oblige à être beaucoup hypocrites de palpations pas trop dégoûtées. Les sutures se font sans sensiblerie. Il semble même que les blessés en état d’ébriété soient couturés sans anesthésie. Hippocrate devait être Croix-Bleue.
À Madagascar, l’acte médical est gratuit, mais les soins le sont moins. Il faut acheter soi-même bistouri, gants, anesthésiant, seringue, compresse, sparadrap, fil. À la pharmacie de HJRA, ni TPE, ni chèque, que du cash. Le distributeur automatique de la Société Générale se trouve heureusement à la porte de l’hôpital, même s’il est loin des Urgences. À Befelatanana, celui de la BNI est à Mahamasina ; à HOMI (ex Girard et Robic), le plus proche distributeur (BNI) veille nuitamment à plus d’un kilomètre…
Beaucoup plus proche, l’Institut Médical de Madagascar. Un tunnel le relie à HJRA, mais c’est un véritable «Checkpoint Charlie» entre deux mondes cloisonnés. Malgré le chauvinisme de l’interne qui nous a interdit d’aller IMM, l’Imagerie Médicale de HJRA, fièrement annoncée en 2015, était en panne (j’espère que ce n’est pas depuis quatre ans). Presque pas étonnant : HJRA hôpital public, IMM gestion privée.
Quoique. Ces sept motocyclettes garées dans un couloir bien propret font définitivement désordre. À IMM, même les WC signent leur appartenance à un établissement payant. Clivage par l’argent.
L’argent. Que devient celui que réclament les gardiens somnolents de HJRA ? «Exigez votre ticket» : plusieurs minutes d’attente avant de se voir remettre un bout de papier parfaitement illisible. Un ticket horodaté aurait indiqué «Arrivée 22 h 30, Sortie 1 h 30 du matin». Il ne faut pas être pressé aux Urgences.