Coach en nutrition, Nadia Andriamahefa a vécu pendant 20 ans en Amérique du Nord. Là où les aliments sont en grande partie transformés avant d’arriver dans les assiettes. De retour à Madagascar, là où elle est née, la nutritionniste s’aperçoit, horrifiée, que les Malgaches ne semblent pas se rendre compte de la richesse de ce qu’ils produisent en termes d’alimentation. Assise à la table d’un restaurant de la capitale, son sac au dos rempli de bouteilles d’eau à ses côtés, elle nous donne quelques minutes pour discuter nutrition.
– C’est quoi manger sainement ?
– Manger sainement c’est prendre un repas équilibré. Il faut le plus de légumes possible. Il est aussi important de colorer le plat, en y ajoutant des protéines, que ce soit végétales ou animales. Si vous voulez, vous pouvez ajouter des féculents, mais faire attention à ce qu’il y en ait moins que les légumes.
– C’est quoi ne pas manger sainement ?
– Ne pas manger sainement pour moi, c’est sauter des repas. Quand on ne mange pas le matin, parce qu’on est pressé. Puis, à midi on saute encore un autre repas, pour se retrouver à manger trois plats le soir. Tout est question d’équilibre. Les repas que nous mangeons sont censés nous apporter des calories, répartis dans la journée. Si le corps manque de calorie, il se fatigue très vite. Ces sauts de repas vont nous couter cher, car répartis en plusieurs semaines et plusieurs mois, cela peut accumuler les microbes. C’est pourquoi on tombe malade.
– Est-ce qu’il y a un régime de nutrition qui peut s’appliquer à tout le monde pour rester en bonne santé ?
– À la base on doit manger matin, midi et soir. Ce qu’on fait avec nos enfants, on leur donne des collations ou des gouters. Les grandes personnes méritent aussi d’avoir des gouters, mais cela ne signifie pas un grand plat. Si on a des excès, c’est à corriger. Mais de même, les manques sont aussi à corriger.
– Que pensez-vous du mode de nutrition des malgaches ?
– Je trouve que les malgaches mangent trop de riz. Pourtant c’est un féculent. Je pense qu’on exagère un peu. Il faut changer un petit peu les proportions en mangeant plus de légumes et en diminuant la quantité de riz. Je suggère que l’on consomme aussi moins de fritures. L’huile n’est pas du tout un ami. Il faut faire attention.
– Quand les salariés sortent de leurs bureaux à midi, ils n’ont pas un large choix. Parfois on a l’impression que les restaurants et les magasins ne proposent que des fritures et des féculents. À la longue, cela devient une habitude alimentaire. Que les conseillez-vous ?
– Le bien être n’est pas l’affaire d’une personne mais est un travail d’équipe. Pourquoi je dis ça ? Tous ces gens qui offrent ces nourritures ont besoin de sensibilisation et de formation. Si moi je peux manger des aliments sains, et que j’arrive à apprécier cela en tant qu’être humain, comment ne pourrais-je pas offrir quelque chose de bon aux autres ? Mais peut-être que ces commerçants ne savent pas ce qu’est manger sainement, c’est pourquoi ils se mettent à offrir ce genre de nourriture. Cette sensibilisation est importante car si un ou deux en sont conscients, les autres suivront l’exemple. Il suffit juste que quelqu’un commence. On essaie de créer des habitudes tranquillement. Parce que radicalement ce sera difficile pour la psychologie. Mais on peut le faire petit à petit. Des carottes et des concombres bien découpés et bien présentés sur un plat, pour donner du plaisir aux yeux. Si maintenant on habitue les enfants à mettre des carottes, des fromages et des concombres dans leur boite à lunch, je suis sûre qu’il est possible que la société change.
– Est-ce que vous avez un conseil pour que les gens puissent persévérer dans cette discipline ?
– J’aime bien le terme discipline, parce que c’est à double tranchant. On te tape la main mais en même temps ça te fait du bien. La discipline vient de l’intérieur. Le fait de se lever tôt c’est une discipline. Si on se lève une heure à l’avance pour préparer son repas et tout ce qu’il y a dans son sac, tous les problèmes seront réglés. La clé c’est la planification et le plaisir évidemment. Si on trouve que c’est important de manger, on va trouver du plaisir à acheter les choses à l’avance et non pas à la dernière minute.
– À quel point les Malgaches ont besoin d’éducation nutritionnelle ?
– Avec tout ce qui existe ici, on a vraiment une grande qualité de nourriture, mais on n’en connait pas la valeur. Nous ne connaissons même pas les vertus de nos épices. Le problème est dans le choix. Les gens ne savent pas s’informer. Je pense qu’il est important de donner aux gens les informations dont ils ont besoin, afin qu’ils puissent bien choisir leurs aliments. C’est pourquoi il est important d’intégrer dans les programmes scolaires la façon de se nourrir. Comment bien manger avec le peu qu’on a. Mais je ne vous demande pas de créer ce qui n’existe pas ( mamorona ny tsy misy). Les gens ont besoin de connaitre des informations gratuitement afin de leur permettre de régulariser leurs habitudes.