Karana et Banyans. Le titre d’un livre très documenté de Sophie Blanchy publié en 1995. Dans son acception, les Karana étaient les Musulmans, tandis que Banyans désignait les Hindous. Les Malgaches ignorent généralement ce distinguo. Pourtant, l’autre mercredi 5 juin, jour férié accordé aux Musulmans pour la levée du Ramadan, les joailleries-bijouteries d’Antaninarenina, tenues par des Hindous, avaient décidé de travailler. Dans l’Inde, dont sont originaires les Karana établis à Madagascar depuis le 18ème siècle, l’Hindouisme avait précédé l’Islam, et l’on dit que les Bohra seraient les descendants de Brahmanes convertis.
Les Malgaches ont pris l’habitude de célébrer le Noël chrétien, fête arrimée sur le Nouvel An grégorien, un calendrier au demeurant compris de New York à Tokyo en passant par Dehli. Depuis cette année 2019, une date musulmane est venue s’ajouter à la liste des jours fériés. Il n’y a aucune raison à ce que la religion de Brahma-Shiva-Vishnou, troisième religion en nombre au monde, ne bénéficie pas de la même reconnaissance, avec la célébration du Divali. À Madagascar, un ancien calendrier indien avait précédé le calendrier arabisé qui sera lui-même supplanté par l’actuel calendrier occidental.
Encore plus inclusivement, la vaste communauté chinoise, dont les premiers arrivants avaient été recensés à Tamatave au 19ème siècle, enrichirait notre culture tout court, et notre culture générale, des multiples incidences liées au Nouvel An chinois et de la valeur-ajoutée commerciale et touristique que les enfants de l’Empire du Milieu savent apporter.
Dans les années 1940, l’ancien prêtre jésuite Razafintsalama avait quitté la Compagnie pour se consacrer, sous le pseudonyme de Dama-Ntsoha, à démontrer l’existence d’un substrat bouddhiste dans la culture malgache. Aucune étude scientifique sérieuse n’est venue étayer sa thèse. Actuellement encore, des militants d’une origine juive des Malgaches s’activent sans non plus en apporter des preuves scientifiques.
Et UN Nouvel An bien malgache ? À la confluence des précédentes considérations, c’est l’imbroglio. Le nouvel an solaire agraire se le dispute au nouvel an lunaire monarcho-politique. À l’orée du 26 juin, célébration du retour de l’indépendance, ça devient une faute historique.