Au football, la décence veut qu’on ne soit jamais meilleur que le Brésil. Pendant longtemps, jouer et gagner contre le Brésil en Coupe du Monde constituait le Graal de tout footballeur. Même si, avec ses joueurs formatés dans les clubs européens, le Brésil fait désormais moins rêver, le titre de France Football vaut adoubement : « Madagascar, c’est le Brésil ! ».
Madagascar, c’est surtout une île dont les insulaires sont ataviquement réticents à l’Autre tout en se regardant anxieusement dans les yeux d’autrui. Après la victoire de l’équipe nationale contre le Nigéria, ce fut une fiévreuse revue de presse des meilleurs titres internationaux qui parleraient de Madagascar :
« Madagascar poursuit son conte de fées » (Le Monde), « Rookies Madagascar are under no illusion » (New York Times), « Icreible pero cierto : Madagascar gana a Nigeria y pasa a octavos como lider » (Marca), « Miracolo Madagascar » (Gazzetta dello sport)…
Et ce cri « Le monde entier parle de Madagascar » : revanche ou soulagement ? Côté radieux, Madagascar, c’est baobabs, orchidées, ou lémuriens ; et côté sombre, les clichés et caricatures d’une misère crasse, sur un sous-sol de richesses mirifiques…
Sur BBC, en décembre 2018, le capitaine de l’équipe malgache avait confié : « We’re more than a movie ». C’est pourtant vrai que le reste du monde avait encore pu confondre Madagascar avec un dessin animé d’animaux qui n’existent même pas sur l’île.
Notre île a toujours été trop aux larges des grands circuits maritimes, peu fréquentée par les géographes de l’Antiquité ce qui, longtemps, lui vaudra un contour fantaisiste, un emplacement approximatif, et un nom par hasard, à l’insu de ceux qui l’habitaient depuis un millénaire. Entre « Le Devisement du monde » de Marco Polo (1298) et le dessin animé de DreamWorks, (2005), il se sera écoulé sept cents ans d’autres malentendus.
La soudaine notoriété de Madagascar, grâce à son équipe de football, révèle par l’absurde ce que nous avons oublié toutes ces années : le soft power. La « Diplomatie économique » était devenue un leitmotiv, dont on attend encore une réelle valeur ajoutée depuis sa proclamation dans les années 2002-2006. Parce qu’elle n’aura même pas permis de mettre un nom sur une si Grande île, ni même d’associer un nom connu à une île perdue dans les profondeurs des classements justement économiques.