C’est la douzième livraison, en ce douzième jour de juin. Prétexte à digresser sur ce nombre «Roambinifolo» (douze) qui tient une si grande place dans notre Culture.
Les dernières volontés du roi Andrianampoinimerina, alors qu’il sentait proche la fin, en 1810, mettent particulièrement en valeur ce nombre «Roambinifolo», surtout que William Edward, Missionnaire de la London Misionary Society, qui les a éditées, y a adjoint une précieuse notule. Le roi, qui avait gagné le surnom de «Ny Ombalahibemaso» (taureau-aux-grands-yeux), y évoque ses ancêtres royaux depuis Andriamasinavalona (lequel avait «tourné le dos» un siècle plus tôt) en invoquant les Douze-qui-ont-régné. Et W.E. Williams de préciser qu’il ne faut pas, dans les expressions consacrées «Roa Ambin’ny Folo Manjaka» (Les Douze-qui-ont-régné), «Roa Ambin’ny Folo Vavy» (Les Douze épouses royales), «Tendrombohitra Roa Ambin’ny Folo» (Les Douze collines sacrées), «Sampy Roa Ambin’ny Folo» (Les Douze idoles d’État), voir «Douze» comme une énumération comptable, mais bien comprendre «Roambinifolo» comme cachet de la chose royale.
Comment, dans ces conditions, arriver un jour à nous convaincre d’abandonner cette écriture «à l’envers» incompatible avec la graphie «à l’endroit» d’un écran de machine à calculer : «folo roa amby» sonne si faux surtout parce qu’il attente à une sacralité euphonique associée à une légitimité historique.
«Je vous salue (aussi), montagnes éternelles / immuables témoins de notre âge aboli», déclame Jean-Joseph Rabearivelo. C’est une civilisation qui s’écroule, l’âge étant déjà aboli, et les témoins de moins en moins immuables : dans une absurdité sans nom, nous arasons nos «montagnes éternelles» pour en remblayer les rizières. Et la plaie est d’autant plus douloureuse quand les bulldozers laissent un «lavaka» à vif, comme au pied de la colline d’Ambohidava, ancien fief d’Andriamambavola, un des «Roambinifolo» qui aidèrent Andrianampoinimerina à «faire» l’Imerina.
Les «Douze Collines» font l’Imerina. Pourtant, au pied d’Iharanandriana, j’aperçois des griffures sacrilèges que personne ne semble voir depuis la RN7 vers Ambatolampy et Antsirabe. Si les textes et codes n’impressionnent plus personne, l’instauration d’un «fady» (tabou) dûment protégé par un «ozona» (malédiction) pourrait protéger la Culture par la Culture.