Un ministre atteint du coronavirus. Le ministre français de la Culture. Enfin, on va pouvoir mettre un visage sur une épidémie planétaire que les théories du complot veulent continuer à nier. Le chiffre de 4000 morts atteint ce mardi 10 mars 2020 est trop énorme pour être perceptible. Un blocage psychologique banalise une hécatombe inimaginable, et qu’on se refuse à imaginer, dont pourtant chaque drame humain doit être terrible.
La grippe espagnole de 1918-1919 avait fait des victimes célèbres : le poète Guillaume Apollinaire, mort à 38 ans ; le dramaturge Edmond Rostand, décédé à 50 ans ; le pionnier de l’aéronautique Léon Morane, fauché à 33 ans ; le peintre Egon Schiele, emporté à 28 ans, deux jours après sa femme enceinte ; mais, également Max Weber, l’auteur de «L’Éthique protestante et l’Esprit du capitalisme» ; les frères John Francis et Horace fondateurs de la marque automobile Dodge ; Mark Sykes qui a laissé son nom à l’accord Sykes-Picot qui avait dépecé l’empire ottoman dont se souvient plus que jamais la Turquie moderne.
À Madagascar, malgré les 86.352 victimes de la grippe espagnole (taux de mortalité de 2,65%), nos grands-parents ont transmis à leurs enfants et nous autres petits-enfants, les terribles histoires individuelles où se confondent les souvenirs de la grippe espagnole (1918-1919) et les traumatismes familiaux de la peste : quarantaine en lazaret, interdiction d’inhumation dans le caveau familial, tombeaux des pesteux murés, impossibilité de tout «famadihana»… La durée de l’épidémie a marqué les esprits : de juin 1921 jusqu’à après 1935, année de la découverte du vaccin par les médecins Girard et Robic à l’Institut Pasteur de Madagascar.