En 1891, devant l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Grandidier de l’Académie des Sciences lisait une note qu’on peut résumer en cinq points : 1.Madagascar n’est pas le nom sous lequel les habitants désignaient leur île ; 2.Marco Polo, racontant son voyage en Asie de l’année 1290, désigna sous le nom de Madagascar une région sur la côte orientale africaine ; 3.Martin Behaim mit, au Nord de Zanzibar, sur son globe de 1492, une île sous le nom de Madagascar ; 4.le Portugais Diogo Diaz «découvrit» la Grande île le 10 août 1500 et la marqua sous le nom de «Sao Lourenço» ; 5.Oronce Finé fondit en une seule île le Saint-Laurent des Portugais et le Madagascar imaginaire de Behaim. On était en 1531.
Ceux qui écrivent l’histoire et dessinent les cartes, font l’histoire. Un récit légendaire ici, une approximation là, le mythe des «grandes découvertes» partout : et c’est un malentendu originel qui finit par désigner leur île à l’insu de ses habitants et donner à ceux-ci, sans qu’ils le sachent d’abord, un nom finalement d’emprunt : Madagas (Waldseemüller, 1516), Madagaskarsche (Frederick Van Houtman, 1595), Malégass (J.R. Forster, 1772)…
Buki en swahili, Komr pour les Arabes, Wak-Wak (de l’Ouest) chez Ibn al-Faquih écrivant au 10ème siècle, Kouen-louen (de l’Ouest) dans des textes chinois : l’archipel des Foko peuplant l’île ne faisaient pas encore nation et chaque ethnie n’avait baptisé que la région de son établissement. Il y avait des Merina, des Betsileo, des Sihanaka, des Antemoro, des Sakalava, des Antankarana, des Antandroy, des Antanosy, des Betsimisaraka, des Tanala, des Antesaka, des Mahafaly, des Tsimihety, des Bara, des Vezo, des Antefasy, des Bezanozano, des Antambahoaka, mais pas de Malgaches unis. Antanandro, Antandrano, Ampatrana, Anala, Antsiraka : mais toujours pas de Malgaches. Dix-huit ? La première carte ethnique, établie par Alfred Grandidier et publiée en 1908, en dénombrait vingt-cinq…
Qui dénombre, qui détaille, qui classifie, qui catégorise, qui nomme. Plusieurs toponymes de la Grande île et ses dépendances sont clairement portugais : Joao de Noua, capitaine du navire «Flor de la mar», laissa son nom à l’île Juan de Nova (janvier 1506) ; la déformation de la graphie d’Antonio Gonçalves donna le nom de la baie d’Antongil (février 1506) ; la baie de Diégo-Suarez porte le nom de Diogo Soares qui y fut envoyé en 1543. Signalons le tracé de la «Ilha de Sam Lourenço» (Madagascar), «extraordinairement exact pour son époque», qui est l’œuvre de Francisco Rodrigues (1513-1515).
Pour la petite histoire, longtemps, les géographes s’étaient demandés si Juan de Nova n’était pas Nosy-Vao, que fréquentaient les pêcheurs sakalava, mais que l’histoire retiendra comme ayant été «découverte» par le grand Alfonso Albuquerque (1453-1515), futur vice-roi des Indes.